Mon compte
    "Il y aura une implosion le jour ou trois-quatre de ces films aux budgets énormes vont se planter" : en 2013, Spielberg prévoyait déjà le désastre au box-office
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    C'est peu dire que les films de super-héros sont malmenés au Box Office depuis un moment, sans compter d'autres échecs douloureux de films supposés être des mastodontes. Tel un oracle, Steven Spielberg avait prédit il y a dix ans cette situation...

    Certes, Barbie nage dans le bonheur en comptant ses 1,05 milliards de dollars de recettes au Box Office mondial; deuxième long métrage de 2023 à y parvenir après Super Mario Bros., et cinquante-troisième depuis que Titanic a ouvert le bal et atteint cette barre en 1998.

    Oppenheimer n'a pas non plus à rougir de sa grande performance avec ses près de 570 millions de billets verts. Une gageure vu la durée du film et son sujet austère, au-delà de son casting cinq étoiles. En remontant un peu le fil, il y a bien entendu Avatar 2 sorti en fin d'année dernière, écrasant tout sur son passage avec 2,32 milliards de dollars au compteur.

    Des super-héros à la peine

    Mais ces indéniables et éclatantes réussites sont un peu l'arbre qui cache la forêt, lorsqu'on prend la peine de dézoomer pour avoir une vue d'ensemble. Les films de super-héros qui ont si souvent et longtemps cannibalisé le Box Office, sont depuis un moment franchement à la peine, si l'on met de côté le carton planétaire de Spider-Man no Way Home sorti en pleine pandémie, qui avait amassé pas moins de 1,92 milliards $.

    Toujours plus de nouveaux super-héros, une baisse globale de la qualité des scénarios, des rythmes de productions infernaux au point de pousser les créateurs des effets spéciaux de ces films à se syndiquer pour être mieux payés et considérés, la lassitude du public qui a été jusque-là plutôt demandeur et bienveillant envers les écuries Marvel et DC...

    Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

    Shazam! La Rage des Dieux, bide dévastateur pour Warner, n'a rapporté que 133,8 millions de dollars au Box Office. Rachel Zegler, qui interprète Anthea dans le film, ne semblait elle-même pas tout à fait convaincue par le film, en expliquant pourquoi elle avait rejoint l'univers DC. "J'avais besoin d'un travail... Je suis très sérieuse" avait-elle lâché sur le tapis rouge...

    Tandis que Dwayne Johnson n'en finit pas de pleurer et s'épancher sur le douloureux échec de son Black Adam, Ant-Man et la guêpe : Quantumania s'est fait pas mal étrillé par la critique et le public, récoltant un peu plus de 476 millions $ au box office mondial.

    The Flash ? Plombé entre autre par l'affaire autour de sa tête d'affiche Ezra Miller, le film n'a rapporté que 268 millions de dollars. Vu les sommes engagées dans la création et le marketing de tels rouleaux compresseurs, ce ne sont pas exactement des triomphes pour les écuries Marvel et DC...

    Warner Bros. Ent. All Rights Reserved. TM & DC

    En élargissant le spectre, d'autres mastodontes supposés du Box Office ce sont pris un violent retour de manivelle. Indiana Jones et le Cadran de la destinée est un assez cuisant échec, avec moins de 370 millions $ de recettes au box office mondial. Vu la notoriété et l'aura d'une telle licence, c'est une gifle qui a la vigueur d'un uppercut.

    Même le dernier volet de Mission impossible a sous performé. Alors que Tom Cruise n'en finissait pas de faire des looping dans son jet avec le carton planétaire de Top Gun Maverick, Dead Reckoning n'a toujours pas franchi la barre des 500 millions $ un mois après sa sortie. Le studio s'était pourtant donné beaucoup de mal pour évangéliser les foules, en bombardant le public des mois à l'avance avec des featurettes sur les cascades ébouriffantes de l'acteur qui paye vraiment de sa personne.

    Et que dire du dernier film Pixar, Elementaire, qui a enregistré le second pire démarrage de l'histoire du studio en étant incapable de ramasser 30 millions de dollars pour son premier week-end d'exploitation ?

    Steven l'oracle

    C'st à l'aune de ces observations sur un box office sévèrement malmené, et qui plus est férocement concurrencé par les plateformes de streaming, qu'il faut relire les propos de Steven Spielberg tenu il y a tout juste dix ans, jouant les oracles sur le devenir incertain du box office américain.

    Invité à s'exprimer en juin 2013 avec George Lucas face aux élèves de l'école de cinéma de l'Université de Californie du Sud (USC), ils avaient déjà refroidi l'assistance, en faisant part de leur pessimisme face à l'augmentation des coûts de production, du prix des places et la multiplication des écrans.

    "[Les studios] font [des films] pour l'argent" déclarait Lucas. "Du coup leurs points de vue sont de plus en plus étriqués et les gens vont se lasser." Regrettant que ces studios préfèrent produire un seul film à 250 millions de dollars plutôt que s'intéresser à plusieurs projets originaux et personnels, Spielberg avait asséné : "Il y aura une implosion le jour ou trois-quatre, voire une demi-douzaine, de ces films aux budgets énormes vont se planter, et le modèle va encore changer".

    Backgrid USA / Bestimage

    Il enfoncera le clou deux ans plus tard à peine, en annonçant le déclin des films de super-héros. Dans une interview donnée à l'Associated Press dans le cadre de la sortie du Pont des Espions, il prédisait un destin similaire à ceux des Westerns.

    "Nous étions là quand le genre est mort" expliquait-t-il. "Il y aura un moment où les super-héros emprunteront le même chemin que le western. Cela ne signifie pas que le western n'aura plus d'occasion de revenir ou que les super-héros ne reviendront pas.

    Bien sûr, les super-héros sont aujourd'hui vivants et prospères. Mais ces cycles ont une durée de vie limitée dans la culture populaire. Un jour viendra où les histoires mythologiques seront supplantées par un autre genre que des jeunes réalisateurs songent actuellement à explorer pour nous tous".

    L'heure a peut-être bien sonnée...

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top