De quoi ça parle ?
Pendant 25 ans, dans une immense boîte de nuit, un homme et une femme guettent ensemble un événement mystérieux. De 1979 à 2004, l’histoire du disco à la techno, l’histoire d’un amour, l’histoire d’une obsession. La " chose " finalement se manifestera, mais sous une forme autrement plus tragique que prévu.
Quand le cinéma s'offre à nous comme une expérience, un moment intense où l'on se laisse transporter... C'est ainsi qu'il faut appréhender cette curieuse Bête dans la jungle, nouvelle réalisation de Patric Chiha. N'y allez pas dans l'idée d'y suivre une trame narrative avec un début et une fin explicative, mais plutôt une parenthèse temporelle, qui nous transporte de façon fantasmée à travers les années. La Bête dans la jungle se vit comme un voyage dans le temps, envoûtant, intrigant et séduisant, à l'image de ses deux interprètes principaux, Tom Mercier et Anaïs Demoustier.
L'un des éléments forts de ce récit est son lieu : une boite de nuit, lieu de tous les possibles et de tous les fantasmes, créant un univers singulier et musical. "C’est quand j’ai eu l’idée de la boite de nuit que j’ai osé me plonger dans ce projet, précise son réalisateur Patric Chiha, dans le dossier de presse. Ce décor quasi unique fait du film une sorte de documentaire sur une boite de nuit de 1979 à 2004. La boite de nuit est à la fois l’espace euphorique du présent permanent, de l’éternelle jeunesse, et l’espace mélancolique du temps infini parce qu’en dehors du réel, du quotidien. C’est un théâtre où l’on rêve la vie plus qu’on ne la vit. C’était donc l’espace idéal pour mettre en scène l’histoire de May et de John qui sont enfermés dans leur quête de l’absolu."
Un choix dans la lignée de la précédente réalisation du cinéaste. Patric Chiha a en effet signé Si c'était de l'amour, un film hybride, à la croisée de la fiction, du documentaire et de la performance, à la fois fascinant et hypnotique. Mêlant scènes de danse, et des séquences plus documentaires montrant la chorégraphe Gisèle Vienne au travail ou nous partageant les confidences des danseurs.
La musique est très présente dans La Bête dans la jungle, de même qu'une foule de danseurs. Cette bande-son évolue avec les époques, de la disco à l'électro. La voix de Béatrice Dalle, narratrice du film, contribue également à la création d'un univers singulier.
L'ambiance posée, on peut s'interroger à présent sur le sens du film. Patric Chiha s'explique dans le dossier de presse. "C’est l’histoire d’un homme qui attend un événement extraordinaire qui changera toute sa vie. Il demande à une femme de l’attendre avec lui et cette aventure va les dépasser tragiquement. Pour moi l’histoire de ce couple a la force d’un mythe. Elle nous rappelle à notre condition d’être humain toujours tiraillé entre le présent et le rêve, la réalité et le fantasme. Le mystère de La Bête dans la jungle me hante depuis très longtemps."
Et d'ajouter : "Il touche à quelque chose dont personne ne parle, mais que tout le monde reconnaît : ce sentiment terrifiant de passer à côté de sa vie, justement parce qu’on espère une vie au-dessus de la vie, une vie extraordinaire, une vie projetée dans l’avenir. J’ai eu envie d’en faire un film parce que j’ai la certitude que cette tension-là, entre présent et fantasmes, vie réelle et vie rêvée, a aussi à voir avec le cinéma."
La Bête dans la jungle se présente ainsi comme un mythe, mystérieux et ouvert à différentes interprétations, laissant de la place à l'imaginaire du spectateur. Précisons qu'il s'agit d'une adaptation très libre d'une nouvelle de Henry James, déjà adaptée notamment au théâtre (et filmé par Benoit Jacquot) dans une version portée par Samy Frey et Delphine Seyrig. La Bête, prochain film de Bertrand Bonello, s'inspirera aussi librement de cette nouvelle.
