Récompensé par l'Oscar du Meilleur Film étranger en 1980 et la Palme d'or à Cannes en 1979, Le Tambour ressort en salles en version restaurée. Cette œuvre marquante de l'Histoire du cinéma fait partie d'une rétrospective initiée par le distributeur Tamasa autour de 5 films de Volker Schlöndorff.
Le récit nous présente Oskar Matzerath, un enfant né à Dantzig en 1924. Miraculeusement précoce, il accueille avec un scepticisme lucide les commentaires de son entourage. À l’âge de trois ans, il met brutalement fin à sa croissance physique en chutant délibérément dans un escalier.
Avec son petit tambour qui ne le quitte jamais, Oskar rythme les péripéties de son existence et de l’Histoire, de la montée du nazisme à la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, le garçon découvre qu'il a le pouvoir de pousser un cri strident de haute fréquence qui peut casser le verre autour de lui.
Porté par le jeune David Bennent, âgé de 13 ans à la sortie du film, Le Tambour a conquis 2 millions de spectateurs en France en 1979. Co-écrit par Volker Schlöndorff, Jean-Claude Carrière et Franz Seitz, d'après le roman de Günter Grass, Le Tambour a marqué son époque, comme le soulignait Le Monde.
"L’intelligence, la réflexion, le sens de l’irrationnel, de l’ambiguïté et de l’ironie, sont des qualités qui, pour être moins spectaculaires que d’autres, n’en sont pas moins précieuses. Or ce sont celles qui illuminent Le Tambour.
Une "simple adaptation" peut-être, mais un sacré beau film. Il tient à la fois du récit picaresque, de la chronique satirique et de la métaphore politique, s'imposant par sa diversité, son lyrisme et son onirisme", écrivait le journal.
GUERRE, NAZISME ET POLITIQUE
"Cinq films sur ces cinq sont inspirés par des textes littéraires, tous historiques, tous politiques. Dans cet ordre - qui est aussi caractéristique de moi-même", confie Volker Schlöndorff, âgé aujourd'hui de 84 ans, à propos de la rétrospective qui lui est consacrée.
"Dû à ma naissance avant la deuxième guerre mondiale, tous parlent de guerre et de nazisme", ajoute le cinéaste. Il est arrivé en France, dans un collège en Bretagne, pas loin de Chateaubriand, 11 ans après la fin de la guerre, et l’année de la sortie de Nuit et Brouillard.
Ainsi, il a eu dès l’adolescence à répondre à pas mal de questions sur la civilisation allemande et le nazisme. "J’en ai cherché l’explication dans l’éducation (Törless), dans l’enfance (Le Tambour), dans l’idéal militaire (Le coup de Grâce et La mer à l’aube) et jusqu’au Liban et en Palestine (Le Faussaire)", confie-t-il.
Avec Le Tambour, "le cinéaste allemand a tiré une fable satirique et picaresque sur la montée du nazisme à Danzig, ville-creuset des influences germaniques et polonaises. Ce film conserve une force incroyable.
Outre la force de son sujet et de son interprétation, cette farce baroque et onirique constitue un des derniers exemples de coproduction européenne totalement maîtrisée dont le secret semble avoir été égaré", analyse l'auteur Sylvain Lefort, co-fondateur de Revus & Corrigés.
VERSION DIRECTOR'S CUT
Lors de sa sortie en 1979, Le Tambour a dû subir des coupes drastiques demandées par le co-producteur du film, United Artists. Il fallait que le film dure moins de deux heures. Le metteur en scène a accepté et ces coups de ciseaux du studio n'ont pas empêché le film d'avoir du succès.
Par la suite, le cinéaste allemand a pu proposer sa vision finale avec un nouveau montage atteignant la durée de 2 heures et 22 minutes, celle que l'on peut voir pour la ressortie du 14 juin 2023.
Durant les négociations avec United Artists à la fin des années 70, il a été envisagé de transformer Le Tambour en film international et donc doté d'une distribution d'envergure. Les noms de Roman Polanski et de Dustin Hoffman ont circulé.
En effet, ces deux acteurs de petit gabarit ont été un temps suggérés pour interpréter le personnage d'Oskar. Isabelle Adjani et Keith Carradine ont aussi été imaginés dans les rôles des parents d'Oskar. Schlöndorff a finalement décidé de rejeter l'hypothèse d'une version anglo-américaine au profit d'acteurs polonais et allemands.
TAMBOUR, SEXE ET POLÉMIQUE
À noter que Le Tambour a fait l'objet d'une véritable chasse aux sorcières aux Etats-Unis au milieu des années 90. La raison ? Une scène sexuellement explicite et dérangeante entre Oskar et une jeune femme. Ainsi, le film a été considéré comme étant de la pornographie infantile. Quiconque entrait en possession du Tambour sur tout le territoire américain pouvait être poursuivi en justice.
La police d'Oklahoma City a même commencé à arrêter les possesseurs d'un enregistrement. Face à cette situation chaotique, une législation est entrée en vigueur : ceux qui possédaient déjà le long-métrage ne pouvaient pas faire l'objet de poursuites, contrairement à ceux qui cherchaient à se le procurer. Les choses se sont bien tassées depuis, le DVD du film étant aujourd'hui en vente libre au pays de l'Oncle Sam.
Le Tambour est ressorti au cinéma le 14 juin en France. Il est désormais classé tous publics sur notre territoire.