Sorti en salles le 9 novembre 1977, Une sale histoire est mis en scène par le cinéaste iconoclaste Jean Eustache, auteur de La Maman et la Putain. À l'époque, l'œuvre était présentée sur ses affiches comme "le film que les femmes n’aiment pas", accroche provocatrice s'il en est.
L'intrigue nous présente un homme racontant une histoire devant une assemblée essentiellement composée de femmes. Cet individu a découvert, dans le sous-sol d’un café parisien, un trou tout en bas de la porte des toilettes pour dames.
Il s’est mis à descendre régulièrement, poser sa tête sur le sol de ces toilettes crasseuses pour observer le sexe des femmes. Le trou est devenu une obsession : il voulait voir directement par le sexe, plutôt que de passer par les étapes.
UN DISPOSITIF ETONNANT
Ce film, qui est ressorti le 7 juin en version restaurée 4K, est très particulier. D'une durée de 50 minutes, il est scindé en deux parties. La première est racontée par Jean-Noël Picq sous forme de document. Il relate l'histoire face à un groupe d'amis composé de quatre femmes et de Jean Eustache lui-même.
La seconde partie est un monologue sous forme de fiction raconté par le comédien Michaël Lonsdale. Il est invité à le faire par le cinéaste et critique de cinéma Jean Douchet. Le tandem est ensuite rejoint par trois femmes et un homme qui vont devenir le public du héros.
Ce dispositif mis en place par Jean Eustache, quasiment expérimental, est assez déconcertant pour le public. Si le texte est quasiment identique, la manière de filmer est totalement différente. Par exemple, la partie document est tournée en 16mm contre 35mm pour la fiction. Le montage varie aussi entre les deux formes de récit, faisant d'Une sale histoire une œuvre unique en son genre.
"Eustache établit ainsi littéralement cette forme majeure du cinéma contemporain que sera le « film coupé en deux » ! Malin et retors, il monte le segment « fictif » avant le « documentaire », lui faisant accéder pour le spectateur vierge au rang d’original dont la version « crade » de Picq serait, elle, la copie, selon une dialectique du vrai et du faux où le cinéma, nécessairement, l’emporterait sur la « vraie vie »", analyse Jean-Gavril Sluka dans les colonnes de DVD Classik (août 2014).
AMORAL ET VOYEURISTE
Sur AlloCiné, les spectateurs ont attribué la note moyenne de 3,7 sur 5 au film de Jean Eustache. "Profondément amoral et voyeuriste, ce film est plutôt intéressant, malgré le fait que la femme y soit désacralisée, ne devenant qu'un sexe sur pattes. Même si, en l'occurrence, le simple fait de "voir", et non d'"avoir", suffit au personnage. La performance de Michael Lonsdale est géniale, très authentique", déclare Abarai.
"C'est quelque peu déconcertant, surtout si on ne connait pas le style du réalisateur mais surtout par rapport à l'histoire que raconte le narrateur. C'est effectivement assez cru et c'est pourquoi il faut adhérer à l'histoire mais il faut dire que Michael Lonsdale raconte tellement bien que l'on boit tout simplement ses paroles !", estime Shawn777.
De son côté, l'internaute Benoitparis décrit Une sale histoire comme "un exercice artistique très intelligent, très fin et délicatement amoral. Si l'on pense que le voyeurisme est au cœur du cinéma, alors on admettra qu’Une sale histoire est une œuvre essentielle. L'art n'est jamais aussi fort que lorsqu'il rend lumineux ce qui relève a priori du scabreux ou du sordide."
Avec Une sale histoire, le metteur en scène s'est attiré les foudres des journaux de l'époque comme Le Figaro, écrit Jean-Gavril Sluka. Selon l'auteur, le cinéaste a aussi suscité "l’embarras de la plupart des ses défenseurs habituels (Télérama & co).
Une sale histoire lui permet toutefois de renouer avec la rédaction des Cahiers, qui sort alors comateuse et prompte au mea culpa de sa période Mao. Pour plusieurs mois, son exploitation ne désemplira pas, l’œuvre profitant d’une aura polémique qu’Eustache appelait de ses vœux", confie l'auteur.
Une sale histoire fait partie d'un programme de ressorties des films de Jean Eustache en version restaurée 4K. Ces longs-métrages sont proposés en salles depuis le 7 juin.