De quoi ça parle ?
Daniel a été élevé à la campagne par sa grand-mère. Il doit entrer au lycée et rejoint sa mère qui vit avec José, un ouvrier agricole, à Narbonne. Mais c’est en fait en apprentissage que sa mère l’a inscrit. Déprimé, il fréquente surtout, après la rentrée, le café des Quatre Fontaines où il essaie de prendre modèle sur les adultes pour séduire les filles.
Un an après la ressortie à succès de La Maman et la putain (plus de 30 000 entrées, pour un film bavard, en noir et blanc, d'une durée de plus de 3h30), voici une nouvelle pépite longtemps restée inaccessible : Mes petites amoureuses, second long métrage de Jean Eustache.
L’œuvre du cinéaste, longtemps considéré comme "maudit", continue à être remise en lumière, via une large rétrospective qui commence cette semaine. Plusieurs autres de ses films ressortent à cette occasion dont le rare Une sale histoire.
Du scandale La Maman et la putain à un échec cuisant
Après le grand succès critique et public de La Maman et la putain, Jean Eustache réalisait Mes petites amoureuses (sorti initialement le 18 décembre 1974). Ce film au titre romantique, en référence à un poème de Rimbaud, raconte les aventures sentimentales d'un jeune garçon.
Il est question des premiers émois amoureux, voire érotiques, d'un garçon, très inspirés de la vie du cinéaste Jean Eustache. A la manière d'un Maurice Pialat (avec L'Enfance nue), ou d'un François Truffaut (avec Les 400 coups), Jean Eustache s'essaye au film d'apprentissage autobiographique.
A l'image du célèbre Antoine Doisnel, alter ego de François Truffaut, on suit ici le jeune Daniel, personnage entre l'enfance et l'adolescence, dans un récit initiatique, où le cinéma occupe une large place.
Comme l'indique l'auteur Alain Philippon, expert du cinéma de Jean Eustache, auteur d'un livre édité aux Cahiers du cinéma (dans la Collection Auteurs, paru en 1986), "mes petites amoureuses est, de tous les films de Jean Eustache, celui qui comporte le plus d'allusions au cinéma".
Jean Eustache se remémore ici ses premières émotions cinématographiques, et on sourit encore aujourd'hui devant quelques unes des répliques prononcées : "Je n'aime pas les films d'aventures, on ne peut pas y croire" ou encore "Ils sont cons, les films Paramount" ! Cocasse !
Mes petites amoureuses n'a néanmoins pas connu la même destinée qu'un film comme Les 400 coups. Il est même considéré comme un lourd échec commercial, que le réalisateur a eu beaucoup de mal à surmonter.
Le film possède pourtant de nombreuses qualités. Ce récit touchant et très personnel, à hauteur d'enfant-adolescent, a par exemple une qualité esthétique que l'on se doit de souligner. Filmé en 35 mm, son image a été confiée au grand chef opérateur Nestor Almendros.
Un film qui a peut être souffert, pour toucher le public, d'une certaine radicalité (une narration avec peu de dialogues, voire taiseuse), contrastant avec La Maman et la putain. Au cours de sa courte filmographie, Jean Eustache a toujours revendiqué un "cinéma libre", cherchant à s'affranchir de certains diktats. Il reste à ce jour un des "très grands cinéastes français surgis dans l'immédiat après-Nouvelle Vague", comme l'écrit Alain Philippon.
Cette rétrospective de son œuvre est une occasion rare de redécouvrir ces trésors trop longtemps enfouis.