Une histoire d’amour, actuellement au cinéma.
Katia et Justine tombent amoureuses. Malgré la peur de l’engagement et le regard des autres, elles décident de faire un enfant, laissant le hasard décider de qui le portera. Mais alors que Katia tombe enceinte, Justine la quitte soudainement.
Ça, c’est le point de départ d’Une histoire d’amour, pièce de théâtre créée à La Scala par Alexis Michalik en 2020. Une pièce qui a triomphé du côté du public comme de celui de la profession, faisant rafler à son auteur le Molière 2020 du metteur en scène d’un spectacle de théâtre privé.
Quelques mois et un confinement plus tard, ce succès passe des planches aux salles obscures avec une adaptation à découvrir dès ce 12 avril au cinéma. L’occasion de s’entretenir avec Alexis Michalik qui officie ici comme réalisateur et acteur, et avec Juliette Delacroix qui campe Katia à la scène comme à l’écran.
AlloCiné : Comment vous est venue l’idée d’Une histoire d’amour ?
Alexis Michalik : C’est venu d’une chanson qui m’a inspiré la dernière scène de la pièce. Je me disais que je n’étais pas vraiment au bon endroit de ma vie pour raconter cette histoire, mais je savais que j’allais le faire un jour. Puis ce jour est arrivé à la suite d’une rupture.
Après ça j’ai écrit très très vite, puis lorsque je me suis retrouvé dans le sud en vacances avec des amis, je leur ai annoncé que j’avais écrit une pièce, leur ai demandé de me la lire autour de la table, 30min plus tard on s’est tous retrouvé à pleurer, 1h plus tard j’avais ma troupe.
Aviez-vous en tête d’en faire un film dès le début ?
A.M : Absolument pas. Ça m’est venu après que les gens sont venus voir la pièce en me disant “Cette pièce, c’est un film ! Il faut absolument que tu l’adaptes !”. A force de l’entendre, l’idée a pris place dans ma tête tout en me disant que j’avais le temps. On était en janvier 2020, et alors que l’on venait de commencer la pièce, on s’est retrouvé en confinement, les théâtres fermés. Du coup j’ai écrit le scénario du film.
Lorsqu’Alexis nous a prévenus qu’il faisait l’adaptation en film, il nous a d’emblée dit qu’il ne garderait pas le casting d’origine.
Est-ce que vous saviez que vous vouliez garder les mêmes comédiens de la pièce pour le film ?
A.M : C’est l’une des raisons principales pour lesquelles j’ai voulu faire le film. J’avais envie d'amener toute cette troupe, c’était une vraie motivation pour faire l’adaptation, une belle finalité. Je m’imaginais bien raconter cette histoire qui commence par le fait de lire un texte sous une tonnelle et qui se termine par la sortie d’un film au cinéma.
Juliette Delacroix : Ce qui a été très drôle au début, c’est que lorsqu’Alexis nous a prévenus qu’il faisait l’adaptation en film, il nous a d’emblée dit qu’il ne garderait pas le casting d’origine, qu’il lui fallait des têtes d’affiche, ce que l’on comprenait très bien. C’était un mensonge, mais un mensonge bienveillant dans le sens où il ne voulait pas nous décevoir s’il n’arrivait pas à monter le film.
Une fois qu’il savait que c’était bon, il nous a appelés pour nous proposer un goûter de Noël. C’était en réalité pour nous annoncer que le tournage pourrait commencer, et avec nous ! Ça a été une grande émotion !
Comment passe-t-on de jouer un rôle sur les planches à le porter sur grand écran ?
J.D : Il a fallu travailler sur le fait d’alléger les choses, rendre tout plus simple, plus intime, car il ne s’agissait plus de déclamer son texte devant des salles de 800 personnes. C’est une vraie chance de créer un rôle au théâtre avec un metteur en scène et de l’emmener au cinéma avec un réalisateur… mais qui reste la même personne.
Juste après le tournage, on est retourné sur scène, et là c’était fou ! J’avais l’impression d’être dans Inception. Pendant 31 jours on a vécu dans de vrais décors en Corse ou au Mont St-Michel, et lorsqu’on est revenu au théâtre, on était blindé de souvenirs et d’images. Ça nous a vraiment nourris… on était meilleurs (rires) ! Notre imaginaire de comédien avait été confronté à une forme de réalité.
A.M : Dans mon adaptation, je voulais enlever la théâtralité, m’adresser à un public plus large et qui n’avait pas vu la pièce afin que l’on puisse apprécier le film comme un objet en soi. Donc pour ce faire j’ai enlevé beaucoup de dialogues et ajouté des scènes et des décors. Car j’ai une grande phrase que je répète sans cesse à mes équipes et qui est..
J.D : “Au théâtre, on raconte, au cinéma, on montre.”
A.M : Ça résume tout selon moi. La pièce démarre par Katia qui parle du déménagement de son frère, et dans le film, on voit ce fameux déménagement.
Je voulais m’adresser à un public qui n’avait pas vu la pièce afin que l’on puisse apprécier le film comme un objet en soi.
Le film dure 1h30, pile le temps de la pièce, était-ce une volonté ?
A.M : Pas du tout ! Les premières versions duraient 1h50, et à force de dialogues avec les équipes et en recherchant le bon rythme, ça a finalement donné naissance à cette version finale, qui doit être la version 25 ou 26, et qui dure exactement le même temps que la pièce.
Après Le Porteur d’histoire ou Edmond, vous abordez ici un autre genre que certains qualifient de mélodrame. De votre côté, dans quelle catégorie classeriez-vous Une histoire d’amour ?
A.M : Je ne suis pas fan du terme mélodrame, car dans mélodrame, il n’y a pas d’humour. Là, on est à la frontière entre la comédie romantique et la comédie dramatique. C’est une comédie “dromantique”. Ou plutôt “dramantique” en fait ! Un terme qui va clairement rester et sera étudié dans les années à venir ! (rires)
J.D : J’aime bien dire que c’est un film populaire, qui ne se prend pas pour autre chose que ce qu’il est, c'est-à-dire proposer une belle histoire au cinéma, avec des acteurs que l’on ne connaît pas forcément. C’est une petite bulle cathartique qui peut toucher tout le monde, permet de rire, de pleurer, et tout cela en 1h30.
Quel est votre rapport avec vos personnages, qu’est-ce qu’ils ont de vous, qu’est-ce que vous admirez ou n’aimez pas chez eux ?
J.D : Je ne suis pas Katia pour plein de raisons, mais j’ai essayé d’y mettre un maximum de moi. Ce que j’adore chez elle, c’est qu’elle ne se plaint jamais, elle fonce. Et c’est quelque chose que l’on a peut-être en commun. Malgré ce qui a pu nous arriver de pas cool dans la vie, et souvent trop tôt, on ne s'apitoie pas sur notre vie, l’important c’est d’avancer. Elle me touche beaucoup pour sa résilience.
A.M : Je trouve que Juliette a beaucoup plus confiance en elle que Katia. Et pour William, c’est une version abimée de moi, une version alcoolique, solitaire, ce que je ne suis pas du tout. Mais il y a aussi un peu de moi en Jeanne par exemple, mais en version génie de ce que moi j’étais ado. Ce que j’aime bien chez William, c’est que tout le soule, mais il fait quand même les choses. Il râle beaucoup, mais il est toujours là pour ceux qu’il aime.
Pourquoi avoir choisi Et pourtant de Charles Aznavour pour clôturer le film ?
A.M : Au moment où je cherchais ma bande-son pour la pièce, je cherchais une chanson pouvant parler de la fin d’un amour. Je suis tombé sur Et pourtant, et en l’écoutant j’ai trouvé qu’elle collait parfaitement aux personnages. J’ai donc décidé de la faire chanter aux comédiens en ouverture et en clôture. La mettre à la fin du film était une manière de continuer l’histoire avec cette chanson qui a suivi toutes nos représentations.
Est-ce qu’il y a déjà des projets d’autres pièces ou de film après Une Histoire d’amour ?
A.M : J’ai écrit une pièce qui s’appelle Passeport, oui. Pour ce qui est des films, tout dépend de l’accueil d’Une histoire d’amour. Si le film marche, cela me donnera envie d’en refaire une, mais qui ne soit pas une adaptation. Ce que je préfère, c’est la création. Partir de rien, écrire, chercher, etc… Je ne suis jamais plus heureux que lorsque je pars de 0, que je surprends.
Propos recueillis par Mathilde Fontaine, le 29 mars à Paris.