Petite séquence flashback. En 2021, l'éditeur Electronic Arts coupait court à une rumeur incessante qui galopait depuis plusieurs mois : il annonça avoir effectivement dans ses cartons un remake du sensationnel jeu d'horreur SF Dead Space, sorti en 2008.
Et cette nouvelle version ne se contenterait pas d'un paresseux ravalement de façade à grands renforts de textures vaguement HD et vendu au prix fort, comme on a malheureusement un peu trop pu le voir ces dernières années. Non : l'idée était bien de (re)faire le jeu de fond en comble, de la cave jusqu'au toit.
Ce projet de remake a ainsi été confié aux bons soins du studio Motive, qui a d'ailleurs connu pas mal de vicissitudes ces dernières années avec l'annulation de plusieurs projets, avant de sortir enfin de l'ornière grâce au solide Star Wars Squadrons en 2020.
Un chef-d'oeuvre du genre
Pour ceux et celles qui ne connaîtraient pas cette pépite vidéoludique (c'est très mal !), Dead Space est un jeu de tir en vue TPS (à la 3e personne) initialement développé par feu le studio Visceral Games, liquidé en 2017.
Le titre, largement irrigué par les influences ciné comme Alien ou The Thing, place les joueurs aux commandes d'un personnage baptisé Isaac Clarke, un simple ingénieur envoyé en mission de maintenance avec une petite équipe sur l’immense vaisseau USG Ishimura.
L'arrivée sur zone démarre sur les chapeaux de roues. L’équipage du vaisseau a été massacré et infecté par un fléau extraterrestre et Nicole, la femme d’Isaac, se trouvait à bord au moment des faits.
Isaac est désormais seul ou presque avec ses outils et ses talents d’ingénieur hors norme, pour tenter de percer le mystère cauchemardesque de ce qui s’est passé à bord de l’Ishimura. Piégé par des créatures hostiles appelées "nécromorphes", Isaac doit lutter pour sa survie, assailli par des ennemis abominables mais aussi par ses propres hallucinations provoquées par la peur.
Si le genre du Survival Horror avait déjà été balisé plusieurs fois auparavant par d'autres titres, La franchise Dead Space a eu un énorme impact sur celui-ci et s'est imposée comme une référence. Du moins surtout avec le premier jeu, qui sera enrichi de deux suites, respectivement sorties en 2011 et 2013. Et même de deux films d'animation en plus d'un comics, Dead Space : Downfall, et Dead Space : Aftermath.
Dans l'espace, on vous entendra quand même hurler de bonheur
Parmi les fans énamourés de la licence figure en bonne place notre Big John, grand fan de jeux vidéo devant l'éternel, qui s'est d'ailleurs déclaré émerveillé par ce Dead Space Remake. Et il y a de quoi. Cette refonte transpire l'amour pour le matériau d'origine, maintenant brillamment un subtil équilibre entre la nécessité absolue de rester fidèle à l'ADN du jeu et son histoire originale, tout en y ajoutant des éléments nouveaux, par touches subtiles, dans la mesure du possible.
"On a toujours été d'énormes fans de cinéma de genre" nous confiaient Eric Baptizat et Roman Campos-Oriola, respectivement Game Director et Creative Director sur le jeu, venus à Paris présenter cette nouvelle version à la Presse début novembre 2022.
"On a passé plus de deux ans à travailler sur ce remake. Dès le début du projet d'ailleurs, on avait ce qu'on appelle chez nous un "Community Council"; un groupe de joueurs qu'on avait recruté et qui étaient fans de la licence, des streamers très orientés Survival Horror, etc.
On a étroitement travaillé avec eux, on leur a montré de nombreux prototypes, des concept Arts, expliqué ce qu'on souhaitait conserver ou changer... L'idée derrière ça, c'était vraiment d'avoir une culture du feedback sur ce qu'on était en train de faire, un vrai regard extérieur, avec ce souci constant de maintenir l'équilibre entre le neuf et l'ancien, ne surtout pas dénaturer l'expérience originale".
Pour l'équipe de Motive, la création de ce Dead Space Remake passait par quatre piliers fondateurs : authenticité vis-à-vis de l'original, une forte composante d'horreur, une immersion ininterrompue -le jeu étant pensé comme un plan séquence-, et un gameplay créatif. Dans la pratique, manette en main, qu'est-ce que cette profession de foi donne ?
La redécouverte presque émouvante d'un titre que l'on avait pourtant déjà largement rincé il y a 15 ans, refait ici à neuf à l'aide du moteur de jeu Frostbite; le même qui équipe la franchise des jeux Battlefield. Offrant un niveau de détails dans les textures absolument incroyable, à admirer en 4k si vous en avez la possibilité.
Un sentiment d'oppression et de claustrophobie toujours aussi sidérant, renforcé par les effets volumétriques de fumée et les éclairages blafards dissimulant plus ou moins bien les créatures qui n'attendent que de fondre sur vous. Jamais l'USG Ishimura n'a semblé aussi organique et terrifiant à parcourir la peur au ventre.
D'autant que le challenge global, même en difficulté moyenne (évitez quand même de descendre un cran en-dessous...), reste suffisamment relevé pour ne pas transformer votre odyssée cauchemardesque en promenade de santé. Car si les coursives du vaisseau sont dans l'ensemble étroites, ce qui reste pratique pour éradiquer méthodiquement une par une les créatures, il vous arrivera aussi fréquemment de vous retrouver dans des espaces plus ouverts, parfois plongés dans une semi pénombre, contraint d'affronter des grappes d'ennemis qui ne vous lâcheront pas d'une semelle. Stress garanti.
Avec une pointe de sadisme, on vous conseille au passage de jouer avec un casque sur les oreilles et même lumière éteinte pour renforcer l'immersion dans le jeu si vous en avez le courage : l'effet sera décuplé, mais c'est évidemment à éviter si vous êtes un peu fragile du coeur...
Revu et (bien) corrigé
Mais il y a plus : la narration a été sensiblement améliorée et moins elliptique, allant plus en profondeur, entre quelques quêtes secondaires absentes du premier jeu et un background plus développé, notamment par le biais de dialogues supplémentaires et de mémos à lire. Des éléments de (re)contextualisation qui sont aussi empruntés à Dead Space Dawnfall, qui était conçu comme un Prequel aux événements décrits dans le premier jeu. Une voix a aussi et enfin été rajoutée au personnage principal, absente du premier jeu.
Des séquences en gravité 0 toujours aussi grisantes; un système d'upgrade des armes repensé, qui reçoivent elles aussi, du moins pour certaines d'entre elles, un tir alternatif. Des zones et containers à l'accès restreint par des Pass de sécurité de différents niveaux et disséminés dans le vaisseau, ce qui vous incitera à revenir plus tard pour continuer votre exploration...
D'autant que quelques -mauvaises- surprises vont attendront lorsque vous reviendrez dans des zones déjà passées au peigne fin et que vous pensiez débarrassées de tout danger. L'assurance là aussi de maintenir sous pression le joueur, qui relâche toujours la garde. Et parfois au pire moment.
"Les détails font la perfection et la perfection n’est pas un détail" disait Léonard de Vinci. On ne saurait mieux dire en guise de conclusion pour ce Dead Space remake, qui en est une parfaite illustration. Si vous n'y avez jamais joué, c'est l'occasion ou jamais.
Et si vous avez déjà arpenté fébrilement les couloirs de l'USG Ishimura, replonger dans les (més)aventures d'Isaac Clarke est tout simplement une obligation morale. Débarrassé de ses scories de jeunesse, le jeu est plus que jamais un sommet absolu du genre, sublimé par le colossal travail abattu par les équipes de Motive auxquelles on tire notre chapeau.