Tár est à l'affiche en France depuis mercredi. Nommé à 6 reprises aux Oscars, plébiscité par la critique, le nouveau film du réalisateur Todd Field séduit par la richesse et la complexité de son propos, et pour son interprète principale, Cate Blanchett.
L'actrice, qui a déjà reçu deux Oscars (pour Aviator et Blue Jasmine) joue Lydia Tár, une cheffe d'orchestre, au sommet de son art et de sa carrière. Le lancement de son livre approche et elle prépare un concerto de la célèbre Symphonie n° 5 de Gustav Mahler. Mais, en l’espace de quelques semaines, sa vie va se désagréger d’une façon singulièrement actuelle. En émerge un examen virulent des mécanismes du pouvoir, de leur impact et de leur persistance dans notre société.
S'il ne s'agit pas du propos principal du film, comme nous l'indique l'équipe à notre micro, les sujets d'actualité que sont #MeToo et la Cancel Culture sont un des ressorts important de l'intrigue. Comme le résume Cate Blanchett, le film est "une étude du pouvoir".
D'aucuns s'interrogent, de ce fait, sur le genre du personnage principal du film, et même sa sexualité. Pourquoi avoir mis au premier plan une femme et non un homme pour traiter du sujet de l'abus de pouvoir ? Nous avons demandé à son scénariste et réalisateur s'il avait considéré la question que le rôle principal soit tenu par un homme ?
Il nous répond d'emblée que cela n'a pas été envisagé. "Je crois que nous savons tous déjà ce que nous pensons de ce sujet, et que malheureusement les hommes semblent avoir accaparés le marché de la question des abus de pouvoir et des scandales. Les hommes ont détenu le pouvoir depuis des années et des années. Nous sommes tous bien trop familiers du pouvoir patriarcal. Nous sommes fatigués d'en entendre parler et aimerions que ça change.
Prendre de la distance
Et à cause de cela, si vous voulez vraiment avoir une histoire dans laquelle vous observez le pouvoir : comment le pouvoir corrompt, et à quel point les gens qui détiennent le pouvoir sont complices, car ils ne le tiennent pas tout seul, mais avec d'autres, qui permettent cela... Si vous voulez observer tout ça, il faut prendre un peu de distance avec ce qu'on lit aujourd'hui. Donc c'était très important que ce soit une femme."
Dans une interview à la BBC (via Variety), Cate Blanchett souligne l'intérêt de ne pas mettre un homme au coeur de l'intrigue. "Je ne crois pas que vous pouvez parler de la nature corruptrice du pouvoir d'une façon aussi nuancée que celle de Todd Field avec un homme en son centre, parce que nous comprenons tellement à quoi ça ressemble. Je pense que le pouvoir est une force de corruption, quel que soit le genre de la personne. Cela nous touche tous".
En résumé, l'idée était donc de s'intéresser aux mécanismes du pouvoir, au-delà du genre, et jeter un autre regard sur cette question.
L'autre motivation de ce choix semble être son interprète : Todd Field a écrit le film spécifiquement pour Cate Blanchett, et dit qu'il n'aurait pas pu envisager le film sans elle. Lorsqu'on interroge Todd Field au sujet de l'actrice avec qui il tournait pour la première fois, il ne tarit pas d'éloge : "Par où commencer, sourit-il à notre micro. Que dire d'elle qui n'ait pas déjà été dit par d'autres, poursuit-il. C'était une grande chance de pouvoir dialoguer avec elle, de collaborer avec une artiste comme elle. C'est quelque chose que je n'oublierai jamais".
L'actrice, qui part parmi les favorites pour décrocher un troisième Oscar, apporte en effet beaucoup de nuance, de complexité et de subtilité à ce rôle. On la sait en couple avec le personnage de Nina Hoss dans le film, sans que la question de sa sexualité ne devienne un sujet.
Cate Blanchett avait déjà joué une lesbienne dans le film Carol de Todd Haynes (qui lui avait également valu une nomination à l'Oscar), mais dans ce film précis, sa sexualité occupait une place déterminante dans l'intrigue, sa romance avec Rooney Mara, brisant les conventions de l'époque.
Tár, avec Cate Blanchett, Nina Hoss, Noémie Merlant, Mark Strong et Sophie Kauer, est actuellement à l'affiche en France.