Réalisé par Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert, le documentaire Il nous reste la colère nous emmène d'abord en 2011. Les ouvriers de Ford à Blanquefort sauvent leur usine et ses mille emplois. La joie de la victoire laisse rapidement place à de nouvelles craintes de fermeture.
Celles-ci finissent par devenir une réalité, jusqu’à l’arrêt définitif des chaînes de montage en 2020. Il nous reste la colère retrace leur dernière année de combat, dressant le portrait d’un groupe emmené par Philippe Poutou.
Le film a pour titre Il nous reste la colère. Pour Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert, il s'agit d’une colère froide, celle de l’impuissance organisée des pouvoirs publics, qui se drapent d’indignation mais ne "peuvent" rien faire.
"C’est la colère issue des refus et des turpitudes administratives, des réunions à n’en plus finir, du découragement qui s’en suit pour les collègues et qui se retrouve dans la société. C’est une colère qui n’est pas explosive mais contenue, ravalée parce qu’il n’y a pas de rapport de force qui lui permettrait de réellement s’exprimer", précisent les réalisateurs.
GENÈSE DU PROJET
Pendant plusieurs années, Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert étaient actifs avec l’Université Populaire de Bordeaux en organisant et filmant des conférences. Les deux réalisateurs s'intéressaient déjà aux thèmes sociaux et politiques.
En 2016, Jamila, qui travaillait à l’institut de sondage IPSOS, s’est mise activement en grève à l’occasion de la lutte contre la Loi Travail, dite El-Khomri.
"Nous filmions dans les cortèges et observions déjà un changement dans les manifestations. La répression était plus forte, certes, mais la critique des directions syndicales, notamment par les plus jeunes, était déjà perceptible. Nous nous demandions si c’était dû à une image dégradée par les médias, à des compromis qui n’avaient pas été acceptés ou à l’organisation proposée", soulignent-ils.
"On s’est dit qu’il serait intéressant de filmer une équipe syndicale. On avait déjà croisé les syndicalistes de Ford en manifestation, on connaissait leur réputation, parce que quelques années plus tôt, à l’époque où Sarkozy déclarait que 'quand il y a une grève plus personne ne s’en rend compte', ils avaient réussi à garder leur usine quand Arcelor, Continental ou PSA n’y étaient pas parvenus."
"Alors que Nuit Debout battait son plein, nous avons eu l’occasion grâce à Xavier Ridon, un ami journaliste devenu co-producteur du film, de suivre les syndicalistes de l’usine Ford sur une de leurs actions aux 24h du Mans. On est partis avec un petit groupe militant et notre caméra, et on a sympathisé très vite. On a compris que si les Ford avaient gagné dix années plus tôt, l’affaire n’était en fait pas résolue."
PHILIPPE POUTOU AU CENTRE DU DOCUMENTAIRE
La présence de Philippe Poutou est centrale dans le documentaire : "On avait vite des situations filmiques avec lui et c’était un excellent personnage pour élaborer le récit du film mais le piège aurait été qu’il prenne trop de place. Philippe est le meneur du groupe et celui qui parle aux médias, mais l’activité syndicale est un travail collectif."
"On ne pouvait pas personnifier tous les membres de la CGT-Ford, mais ceux qui se sont imposés l’ont fait d’eux- mêmes, par leur charisme et leur position à la période sur laquelle le film se concentre, à savoir la dernière année de lutte et la recherche d’un repreneur. Pour nous, Gilles est un personnage extraordinaire en plus d’être une personne géniale."
"Il est complémentaire de Philippe, par son expressivité, son caractère et sa position de secrétaire du CE. Vincent et Thierry ont aussi un certain franc-parler qui vient de temps en temps synthétiser les choses. Il était important d’établir les relations entre eux malgré la complexité de l’histoire et de sa temporalité", expliquent Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert.
Il nous reste la colère débarque au cinéma le 7 décembre.