Premier long-métrage d'Emilie Frèche, Les Engagés nous entraîne sur la route de Briançon. La voiture de David (Benjamin Lavernhe) percute un jeune exilé (Youssouf Gueye) poursuivi par la police.
Suivant son instinct, David le cache dans son coffre et le ramène chez sa compagne Gabrielle (Julia Piaton) qui vit avec ses deux enfants. Bouleversé par le destin de cet adolescent, David s’engage à l’aider coûte que coûte.
Pour la réalisatrice, cette première incursion dans la mise en scène au cinéma lui a permis de faire un film sur l’engagement, sur notre capacité à rendre le monde meilleur. Selon Emilie Frèche, c'est aussi une oeuvre sur la désobéissance à la loi et sur la manière dont des gens ordinaires, en restant fidèles à leurs valeurs, deviennent des héros.
"David, mon personnage principal, est l’héritier des Justes d’hier. Il met sa morale au-dessus des lois qu’il considère iniques. C’est cet engagement-là que j’ai voulu raconter davantage que le parcours des exilés.
Sans doute parce que face aux grands mouvements migratoires qui nous attendent dans les années à venir, une seule question se pose : comment accueille-t-on, et dans quelles conditions ?", s'interroge Emilie Frèche.
TIRÉ D'UNE HISTOIRE VRAIE ?
Les Engagés s'inspire librement des "7 de Briançon", une véritable histoire s'étant déroulée en 2018. Les Identitaires, un groupuscule d’extrême-droite, était venu patrouiller en hélicoptère au col de l’Échelle pour chercher des migrants.
"Les solidaires avaient choisi de riposter de manière pacifique à cette opération de com’ violente, en organisant une manifestation qui partirait de Clavière, en Italie, et irait jusqu’à Briançon. La police les a laissés passer la frontière", explique Emilie Frèche.
"Mais arrivées en France, plusieurs personnes ont été arrêtées, et certaines placées en détention provisoire au motif qu’il y avait des exilés dans cette marche : ils étaient accusés d’aide à l’entrée illégale sur le territoire en bande organisée", poursuit-elle.
"Ils ont tous été relaxés en appel, mais certains, avec la détention provisoire, ont été privés de leur liberté. Et cette privation s’apparente à un moyen de pression politique pour dissuader tous les gens qui voudraient s’engager dans la région", déplore la cinéaste.
"C’est une façon de dire 'Regardez ce qui va vous arriver, si vous sauvez des étrangers en montagne !'. Je me suis inspirée de cette histoire, mais aussi du destin tragique de Blessing, jeune nigériane qui s’est noyée dans la Durance pour échapper à un contrôle de police", confie la réalisatrice.
TRAVAIL DE RECHERCHES
Quand Emilie Frèche a découvert l'affaire des "7 de Briançon", elle a décidé de s’y rendre. La cinéaste a trouvé une chambre à Montgenèvre et a beaucoup discuté avec sa logeuse, qui lui a parlé de la situation, lui racontant comment des enfants arrivaient régulièrement de la montagne.
"Elle me disait être obligée de leur ouvrir, ne serait-ce que pour ses enfants – elle ne pouvait pas ne pas leur apprendre l’hospitalité. Le jour même, cette femme m’a mise en contact avec une personne du Refuge. Elle m’a accompagnée chez elle, près de Montgenèvre", se souvient Emilie Frèche.
Après ce premier séjour, la réalisatrice est retournée plusieurs fois à Briançon où elle a passé un peu de temps au Refuge Solidaire pour écouter et regarder les bénévoles agir. Elle a ainsi observé les exilés qui arrivaient d’un très long périple.
"J’y suis retournée aussi avec les acteurs, pour qu’ils s’imprègnent des lieux et de l’atmosphère. J'ai également beaucoup lu sur le sujet, et visionné les passionnants reportages ou documentaires qui avaient été faits. Et puis j’ai essayé de comprendre la topographie des lieux, cette frontière à cheval sur un terrain de golf l’été et sur une piste de ski l’hiver", précise la cinéaste.
Les Engagés est sorti en salles le 16 novembre.