Il y a 80 ans, les spectateurs français découvraient "Monnaie de singe", deuxième film des Marx Brothers à sortir dans l'Hexagone. Un anniversaire qui sonne comme une occasion en or de (re)découvrir le cinéma de ces fous furieux de l'humour - Dossier réalisé par Maximilien Pierrette
En l'espace de 12 films, les Marx Brothers ont sans doute du fêler les côtes d'un bon paquet de spectateurs, et il se sont imposés comme de vrais auteurs en matière d'humour. Malgré le bazar ambiant qui règne dans chacun de leurs longs métrages, il est en effet possible de mettre le doigt sur plusieurs marques de fabrique, récurrences qui les ont accompagné au cours de leur filmographie commune. Commençons donc par le plus évident, les titres, que l'on peut séparer en deux periodes distinctes : avant et après leur passage chez Paramount. Avant, Noix de coco exclu, chaque film possédait un nom d'expression à base d'animaux, et les trois frères se sont donc successivement illustrés dans Animal Crackers (devenu L'Explorateur en folie chez nous), Monnaie de singe, Plumes de cheval et La Soupe au canard, entre 1930 et 1933. Puis c'est une unité de lieu et (parfois) de temps qui sont au coeur de titres tels que Une Nuit à l'opéra, Un Jour aux courses, Un Jour au cirque, Les Marx au grand magasin ou Une Nuit à Casablanca. En matière de simplicité, les Marx se posent donc là...
Groucho, Chico et Harpo dans Une Nuit à Casablanca - © Collection Christophe L.
Au-delà des titres, assez parlants, les Marx Brothers ont aussi développé des schémas narratifs assez similaires de film en film. Sans aller jusqu'à dire que l'intrigue n'est pas ce qui leur prenait le plus de temps au moment de l'écriture, on notera bon nombre de similitudes entre les trames, toujours situées dans un univers marqué (le cirque, l'opéra, un royaume fictif, une fac...) et où Harpo, Chico et Groucho vont finir par s'allier et s'employer pour défendre le bien et réparer des injustices, non sans tout retourner et multiplier les incidents (diplomatiques ou pas) et ridiculiser les représentants de l'autorité sur leur passage, à la manière d'un Charles Chaplin période Charlot, le son en plus.
"I drink to make other people interesting" ("Je bois pour rendre les autres gens intéressants") [Groucho]
L'anarchie est donc le maître mot des Marx Brothers, et pas seulement dans leur rapport à l'autorité, puisque leur humour et leurs gags reposent sur ce concept : lâchez-les au coeur d'une situation a priori normale, et vous pouvez être sûrs de tout retrouver sans dessus dessous, au propre comme au figuré. A ce titre, la fratrie développe un running gag dans beaucoup de ses films : cachés dans une pièce, ils mettent tout en oeuvre afin de ne pas être découverts, quitte à, par exemple, déplacer les lits de la chambre voisine, et ils en profitent pour rendre folle leur victime de la scène en question. Dans Une Nuit à Casablanca, l'un des personnages pense mettre ses vêtements dans une valise, sans se rendre compte qu'un bras les intercepte pour les jeter à nouveau dans le placard, voire par la fenêtre. Et dans Une Nuit à l'opéra, le gag est encore plus complexe, puisqu'il se déroule entre deux chambres adjacentes, où les lits passent d'une pièce à l'autre via le balcon. Un gag pas évident à décrire par des mots (et malheureusement introuvable sur le net), mais d'une fluidité exemplaire à l'écran.
Dans leurs grandes oeuvres, on pourrait également citer le sabotage, dont les Marx sont passés maîtres en la matière, leur plus grand hit étant celui de l'opéra où ils passent une nuit (voir la vidéo ci-dessus), ou le procès de La Soupe au canard, monument de grand n'importe quoi. Mieux vaut donc être attentif à ce qui se passe, sans être trop à cheval sur un quelconque réalisme, la notion étant vite évacuée au profit du non-sens, visuel et oral, les dialogues partant tout aussi rapidement dans tous les sens, au point qu'une maîtrise de l'anglais peut s'avérer nécessaire pour comprendre le sens premier de certaines répliques. Car au-delà des personnages qu'ils martyrisent de film en film (à commencer par l'actrice Margaret Dumont, une de leurs victimes favorites), les Marx Brothers ont du occasionner beaucoup d'arrachages de cheveux chez les traducteurs. L'un des exemples les plus frappant est ce dialogue entre Chico et Groucho, dans La Soupe au canard :
"- I wouldn't go out there unless I was in one of those big iron things, go up and down like this...
What do you call-a those things ?
- Tanks
- You're welcome !"
Quand on regarde la version sous-titrée, on se rend compte, suivant les copies, que certains traducteurs ont lâché l'affaire sur le jeu de mots des deux dernières répliques, certes très compliqué à retranscrire, tandis que la version française retombe tant bien que mal sur ses pieds avec :
"- Tank
- Danke schön !"
Groucho, Harpo et Chico dans Une Nuit à l'opéra - © Collection Christophe L.
Au premier abord, l'humour Marx peut donc rebuter ceux qui aiment suivre les films d'un oeil distrait, et faire croire à tout le monde que le trio carbure à l'improvisation, avec pour unique but de transformer chaque scène en un bazar sans nom. Si c'est vrai quant à cet objectif, penser que leur travail n'est pas millimétré est une belle erreur : déjà parce que le rythme propre à chaque séquence semble être le fruit d'un travail de longue haleine. Puis parce que les rôles de chacun sont (très) bien définis. Commençons donc par Groucho : avec sa grosse moustache peinte et son cigare, ce dernier tient très souvent un rôle de personne importante, de chef de gouvernement malgré lui à médecin réputé, coureur de jupons devant l'éternel, avec un amour inconditionnel pour l'aisance financière qu'offre la haute-société. La totalité de son abattage repose sur le verbe, les jeux de mots les plus improbables étant souvent de la partie, au même titre que les vannes et les phrases qui n'ont finalement aucun sens, prononcées avec un débit de mitraillette, quand il ne chante pas avec une voix de fausset, dans un langage fait d'argot ou de yiddish (entre autres). Quand on sait que, plus jeune, l'acteur était très timide, on se dit qu'il a vraiment bien travaillé sur lui-même...
"From the moment I picked your book up until I put it down, I was convulsed with laughter. Some day I intend reading it" ("Entre le moment où j'ai pris votre livre et celui où je l'ai reposé, j'ai été secoué d'un fou rire. Je compte quand même le lire un jour") [Groucho]
A l'opposé du verbiage intempestif de Groucho, Harpo se distingue par son absence totale de paroles. Un choix de carrière que le comédien, comme on l'a vu plus tôt, a fait sur les planches, et qui nous rappelle que si les Marx ont débuté leur carrière à l'époque du muet, c'est l'avènement du parlant qui leur a permis de faire leurs premiers pas sur grand écran. Doté de la durée de concentration d'un poisson rouge, il s'accapare donc une large partie des gags visuels de chaque film, s'autorisant néanmoins un bon paquet de jeux de mots avec des objets (tous sortis d'un grand manteau digne du sac à main de Mary Poppins), à l'image de cette scène où il sort une hachette quand on lui demande de couper les cartes lors d'une partie de poker (Plumes de cheval). Harpiste confirmé (la preuve dans l'extrait ci-dessous), l'acteur nous gratifie d'un numéro musical avec son instrument favori dans chaque long métrage (à l'exception de La Soupe au canard, où il joue du piano comme... d'une harpe). Dans un rôle récurrent de vagabond qui rappelle parfois Charlot (en plus allumé et moins ambitieux), Harpo est le personnage le plus ancré dans le présent et, si son silence tranche avec le débit de Groucho, rendant ainsi les deux hommes complémentaires sur le papier, ces derniers ont, au final, très peu été associés à l'écran (même lorsqu'Harpo joue l'assistant de Groucho dans Les Marx au grand magasin), les principaux intéressés parlant d'incompatibilité cinématographique.
Les Marx Brothers, ce sont donc un bavard, un muet... et un personnage intermédiaire : Chico. Plus proche de Groucho dans sa façon de parler (avec un accent italien), il n'en est pas moins à l'origine de quelques gags visuels, bien souvent aux côtés d'Harpo, avec qui il forme un duo irrésistible, et dont il est le seul à plus ou moins comprendre le "langage". Plus honnête que Groucho, il n'en demeure pas moins un magouilleur hors-pair, capable d'enrhumer n'importe qui lui cherches des noises en l'espace de deux répliques. Musicalement parlant, il fait régulièrement état de ses talents de pianiste, et son association avec ses frères, qu'il soit en duo avec Groucho ou Harpo, fait mouche à tous les coups, ce qui en fait le lien entre les deux autres, permettant ainsi de considérer les Marx comme un vrai trio.
"Military justice is to justice what military music is to music" ("La justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique") [Groucho]
Côté humour, on passera très vite sur le cas de Zeppo, ce dernier n'ayant ni gag, ni réplique comique à son actif. Calme et gentil (pour ne pas dire lisse), ce dernier agit en effet comme un contrepoint à la folie de ses frères, même si ces derniers se prennent tout le temps d'affection pour la noble quête de ses personnages, au cours des cinq films qu'ils ont eu en commun.
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zarathou
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xbies
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chips493
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poissonmechant
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chips493
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Grouchy
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marguerite151
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Plume231
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- Terrifier 3 J-24
- Gladiator 2 J-3
- Sur un fil J-17
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- Mufasa: le roi lion J-25
- The Lord Of The Rings: The War Of Rohirrim J-18