Auteur du livre-enquête "Mainstream", le sociologue Frédéric Martel analyse pour AlloCiné quelques tendances de l'industrie du 7e art : l'hégémonie du cinéma américain, les relations entre studios et indépendants, le poids d'Internet... Propos recueillis par Camille Lamourette.
La critique française face au mainstream
(La culture américaine la plus populaire est prise au sérieux par la critique intellectuelle française. En 1989, de nombreux lecteurs des Cahiers du cinéma avaient été scandalisés de voir Batman en couverture... NDLR) Frédéric Martel : Ce sont les lecteurs qui ont eu tort ! Les Cahiers du Cinéma ont choisi avec justesse. L’histoire de la revue témoigne d’ailleurs de ce genre de parti pris. Godard, à l’origine, a défendu le cinéma hollywoodien des studios (contre le cinéma français de l'époque), en montrant que c'est dans cette forme d'industrie que se trouvait le cœur de la création contemporaine, même s'il y avait des contraintes, même si les créateurs n’avaient peut-être pas toute liberté -ce qu'on peut comparer aux règles d’unité dans le théâtre classique de Racine et de Corneille.
Aujourd’hui encore, des films tels que Dark Knight, Spiderman, Avatar ou Toy Story, sont souvent plus créatifs que bien des films qui se prétendent d’art et d’essai français. Le Festival de Cannes l’a d’ailleurs bien compris puisqu’il ouvre ses portes aux films américains à gros budget. On a pu le voir cette année avec Robin des Bois de Ridley Scott ou encore avec Tim Burton en Président du Jury, même si Burton est un cas plus compliqué, puisqu’il peut être à la fois mainstream et de très grande avant-garde, y compris dans le mainstream... Au passage, le palmarès du dernier Festival a récompensé un Thaïlandais, un Coréen, un Mexicain, quelques Français, et aucun Américain même si c’est Tim Burton qui présidait le jury. Le box-office français est exactement l’inverse de ce qu’est le palmarès du Festival de Cannes. Mais c’est très bien que Cannes valorise un cinéma différent et une créativité qui n’est pas mainstream, c’est son rôle.
Internet, c'est à la fois le niche et le mainstream
Cette évolution de la critique doit être analysée à travers les nouvelles possibilités qu’offre internet. Aujourd’hui, le critique de cinéma du Monde, de Télérama, le critique professionnel de cinéma en général, ne sert plus à rien. Les gens ne vont plus voir un film en fonction de ce que les critiques ont écrit. Quelle est la dernière fois que vous êtes allé voir un film après avoir lu les critiques de cinéma de Télérama, des Cahiers du Cinéma ou du Monde ? Cela n’arrive plus. Vous allez voir un film en fonction de vos amis, du buzz, des informations que vous lisez sur Internet. Avant, les critiques de cinéma (mais c’est aussi vrai pour la critique littéraire ou encore la critique théâtrale) étaient peu nombreux, et leur légitimité n’était pas forcément partagée par le gros de la population. Mais désormais, Internet détruit les intermédiaires, et en particulier les intermédiaires autoproclamés, parce que les critères du journaliste élitiste, sont des critères qui lui appartiennent en propre. Aux Etats-Unis, c’est ce qui s’est passé dans les années 70–80, après, le mouvement des droits civiques. Les critiques ont perdu leur légitimité, il n'y a plus de critère. Et paradoxalement, quand il n’y a plus de critère ou quand les critères deviennent flous, le seul critère qui demeure est celui du nombre : le box-office, la lecture que vous faites des chiffres dans Variety, Billboard, et les listes de best-sellers. On survalorise ces données chiffrées qui affaiblissent les autres critères.
Contrairement à ce que certains croient, Internet n'est pas un espace qui valorise uniquement les niches. En réalité, le mainstream est très fort sur Internet, les meilleures ventes sur Amazon sont les mêmes partout dans le monde : on lit les mêmes livres, on voit les mêmes films. Et internet aussi le renforcement des niches, d’espaces qui vous relient à votre micro-communauté. Il correspond à ce que nous voulons en tant qu'individus. Vous comme moi voulons à la fois avoir notre micro-culture, notre micro-communauté, ce qui fait que si on est spécialisé dans le rap de Detroit, on va trouver une communauté qui partage nos goûts. En même temps, en chacun de nous, il y aussi le désir de partager globalement, mondialement, des produits culturels qui s’appellent Lady Gaga, Toy Story, Shrek ou Avatar, Internet permet l’un et l’autre. C'’est à la fois la niche et le mainstream, comme le sont les individus. Vous pouvez avoir envie de voir un film d’art et d’essai à un certain moment et un film de divertissement à un autre moment. Le cinéma ça peut être de l’art et ça peut être aussi du divertissement, sans que l’on doive s’en inquiéter. Je ne me situe pas du tout dans ce courant français un peu masochiste qui veut que la culture soit une souffrance, une punition, soit élitiste, intellectuelle, soit une prise de tête.
Hadopi
La loi Hadopi est anachronique, c'est une erreur historique, elle ne produira pas les effets escomptés. Ses effets pervers sont plus importants que ses effets potentiels. C’est une absurdité sarkozyste qui n’aurait jamais dû voir le jour. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas protéger les ayant-droits et le droit d’auteur. Mais cela se fait d’abord par une offre légale, de qualité, plurielle, à bas prix, à coûts compatibles avec ce que les gens veulent payer sur le net et qui serait plus conforme à une diffusion loyale des produits culturels.
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