Dans la catégorie des séries télévisées prestigieuses qui ont marqués le formidable tournant des années 2000, le show policier de Shawn Ryan, The Shield, prend une place de choix. Aux côtés des pointures HBO, on pense aux Soprano, à Sur Ecoute, FX marque également le coup avec un drama violent, étouffant et controversé, un show policier revisité à la sauce corruption, malveillance et criminalité dans les bas-fonds d’un quartier fictif de la tentaculaire Los Angeles. Shawn Ryan, showrunner audacieux, percute frontalement l’univers d’un commissariat de district ou officie une unité antigang malhonnête, le mot est faible, commandée par l’inspecteur Vic Mackey, un individu qui entrera bien vite, par le grande porte, dans la cour des grands anti-héros des temps modernes. Ses coéquipiers, certains aussi véreux que lui, d’autres pleins de bonnes intentions, se télescoperont, s’affronteront, s’allieront dans un dédale tortueux de criminalité, de vices et d’atrocités urbaines. Ou se situe donc la frontière entre l’ordre et la loi?
De saison en saison, les tuiles s’accumulent, des personnages vont et viennent, certains marquant les esprits, d’autres non, mais toujours, c’est Vic Mackey qui mène la danse, qui donne le tempo, de par ses actes, ses alliances et sa désastreuse tendance jouissive à tout démolir autour de lui, y-compris sa famille. L’homme est un poison, un monstre odieux pourtant attachant, un bulldozer de mauvaises intentions qui détruit tout sur son passage, qui marche sans cesse sur le fil du rasoir mais qui parvient toujours, par roublardise, par sacrifice ou parfois par chance, à s’en tirer. Le bonhomme entraîne tout le monde, famille, collègues, relations, vers le bas. Il ne laisse qu’un champ de ruine, persuadé pourtant de faire régner l’ordre, son ordre à lui. Au final, sur qui pourra-t-il réellement compté? Le monstre policier, l’assassin, le trafiquant, pourra-t-il perdurer ou sera-t-il victime des dommages qu’il a causés?
Michael Chiklis, l’interprète de Mackey, endosse le costume de leader dès les premiers instants, enfilant parfois la casquette de réalisateur, parfois celle de producteur. Il s’agit ici incontestablement de son moment de gloire, suffocant, intrépide. Accompagné d’un brillant casting, parfois composé de ténors tels Glenn Close ou Forrest Whitaker, son personnage fait office de locomotive. On notera par ailleurs que l’univers urbain gangréné dans lequel évolue tout ce beau monde est suffisamment étouffant pour que la tension ne tombe jamais. Les enquêtes annexes, souvent rondement menées, offrent leurs lots de misères humaines souvent surprenantes. Non, décidément, The Shield ne nous dresse pas un portrait très flatteur de l’homme de notre ère. Mais n’est-ce pas justement ce que nous apprécions?
Qu’importe finalement le réalisme, les gros fils blancs qui croisent parfois la route du spectateur, qu’importe la morale, The Shield nous assène une bonne claque, réinventant le soap policier en y détournant les codes sans pour autant dénaturer les fondamentaux du genre. Une réelle réussite qui propulse la chaîne câblée FX dans la course aux poids lourds, une série qui aura fortement influencé les futurs Sons of Anarchy, sans jamais que les motards ne parviennent à rivaliser le moins du monde avec les flics ripoux de Shawn Ryan. Oui, pour la petite histoire, le créateur des SOA, Kurt Sutter, officiait comme scénariste sur the Shield. Un jalon rouge et blanc bien visible dans le grand monde de la télévision, un joli coffret que l’on posera fièrement sur notre vidéothèque aux cotés de The Wire. 17.6/20