Le personnage central de l’intrigue de Terrence Winter, le contrebandier, politicien déchu et seigneur de la pègre locale, Nucky Thompson prend, à l’occasion de cette quatrième saison, des allures d’épouvantail, de présence tutélaire sur le milieu, là où l’intrigue s’axe et se désaxe de ses affaires. Alors qu’il fût d’abord intouchable, puis la victime et le bourreau, lors des trois premières saisons du show, Steve Buscemi incarne ici un homme de l’ombre, concerné mais distant. Le procédé sert incontestablement les vœux de showrunner de poser de nouvelles bases narratives, de construire gentiment mais sûrement un final imminent à son bébé. Du centre d’un cercle, nous voilà d’avantage, avec cette quatrième saison, à nous intéresser d’avantage à sa périphérie, aux personnages souvent figurants lors des saisons précédentes, à l’image de Chalky, l’un des moteurs de cette nouvelle série d’épisode. Cette distanciation de la ligne directrice de la série possède bien évidemment des avantages, mais aussi quelques désagréments. Explications.
Alors que notre personnage central aura subit la traitrise, alors qu’il aura mené la guerre, qu’il aura fait fortune, il est logiquement temps de l’assoir dans le fauteuil du monstre sacré. D’apparence intouchable, c’est pourtant bien frêle qu’il apparaît lorsque son entourage, direct ou indirect, complote, s’entretue ou malmène les termes du business. Des contraintes familiales plutôt embarrassantes, l’éclatement d’une nouvelle ère politique toute soudaine, l’émergence de la drogue dure, la dualité ethnique entre les criminelles, le tout va causer bien des travers à la tranquillité de notre ami Thompson, sans compter sur l’institution toute nouvelle, le FBI, qui entame une croisade, d’apparence, face au crime organisé. A la fois acteur et spectateur de son destin, Nucky n’est-il pas un homme comme un autre? Sur le fil du rasoir, sur un siège éjectable et une place à la morgue toute préparée à son intention ?
C’est concrètement là une nouvelle approche adoptée par le team des scénaristes de la série, dans une quête toute logique de renouvellement. Si à première vue, l’esprit de la série n’en est que peu chamboulé, cela découle d’une véritable réflexion de fond et non d’une révolution notable. Cela constitue le véritable point fort d’une quatrième volée qui, sans cela, aurait été en peine à rivaliser avec les puissantes deuxième et troisième saisons. Pour autant, les morts s’enchaînent toujours aussi rapidement, la dureté des images et propos est toujours bien présente et dans l’esprit, rien ne varie réellement. Cette saison démontre aussi une certaine note de mélancolie, accentuée par les destins funestes que connaîtront quelque personnages centraux. Le passé joue concrètement un rôle dans l’évolution narrative. Là encore une véritable qualité qui ne transparaît que très peu chez la concurrence. A dire vrai, il semble qu’HBO soit les seuls porteurs d’une véritable logique dans l’évolution de ses séries, dans le sens ou tout évènement, futile ou non, est susceptible de revenir chambouler l’avenir.
C’est donc avec un plaisir certain que l’on parcourt ces douze épisodes, intelligents, bien réalisés et surtout diablement addictifs. Rien n’est certain, rien n’est garanti. Tout est fragile, tout est provisoire, éphémère ou illusoire. Tel est le crédo du show de Terrence Winter, véritable château de carte criminel porté à merveille par des acteurs magistraux, Steve Buscemi en tête. Débordant de charisme, de classe, l’acteur parviendrait presque à nous faire oublier un certain Tony Soprano. Presque. Petit bijou certain, je ne peux dès lors que me réjouir à la l’idée de découvrir l’ultime saison. 18/20