Après avoir sauvé sa peau face à la justice et à une rébellion au sein même de son empire criminel, après avoir cruellement repris les dessus, Nucky Thompson revient aux affaires, plus fringant que jamais. Marié, affublé d'une maîtresse fantasque, doué d’une prudence nouvelle dans les affaires, le destin ne sera à nouveau pas tendre avec notre trésorier véreux. Ayant brusqué sans réelle intention un gangster sicilien, Nucky doit une nouvelle fois se battre pour la sauvegarde de son pouvoir, devant qui plus est composé avec une mise en examen de ses appuis politique à Washington. Au surplus, le retour de son frère dans les rangs et les élans sociaux et moraux de sa femme l’empêche de se concentrer pleinement sur l’essentiel, sa survie. Une troisième saison reprenant strictement les codes usuels du show de Terrence Winter, sans surprise en termes de construction, de narration, mais une saison de haute volée, d’avantage complexe encore que les précédente car elliptique, moralement interrogatrice et d’une violence toujours accrue.
L’atout personnifié de cette troisième volée, outre un Steve Buscemi toujours aussi convaincant, c’est sans doute possible l’avènement de gangsters italo-américains parmi les plus dérangeant, notamment le personnage de Gyp Rosetti, empêcheur de tourner en rond, psychopathe sensible incarné par l’excellente Bobby Cannavale. La confrontation entre les deux clans, Atlantic City et Nucky d’un côté, Gyp Rosetti et bientôt son patron new-yorkais de l’autre, marquera la fil rouge d’une saison qui sera sans pitié pour ses protagonistes. Les morts violentes s’enchaînent, certaines plus consternantes que d’autres, la tension monte jusqu’à une explosion finale sincèrement jubilatoire. Terrence Winter mène à nouveau sa barque avec talent, avec un sens du rythme aiguisé et une science narrative héritée de son séjour prolongé aux cotés de David Chase sur les Soprano. L’élève est devenu maître.
Difficile de s’ennuyer ou même de rester insensible face à cette poussée d’adrénaline et d’intelligence. Difficile de ne pas entrevoir en Boardwalk Empire le successeur logique aux chefs d’œuvre de la chaîne câblée HBO, monstre du divertissement télévisuel qui d’année en année, ne cesse de surprendre de par la qualité de ses programmes. Comme ce fût le cas durant les deux saisons précédentes, le casting prend ici une part importante dans le succès de la série, Steve Buscemi en tête, mais aussi les impeccables Michael Shannon, Stephen Graham, Michael K. Williams ou encore Kelly MacDonald.
Voilà donc indiscutablement la troisième saison d’un ensemble à succès, une série historique, certes, mais surtout fictionnelle, qui nous immerge dans les années 20, qui nous berce aux sons des mitraillettes et des dialogues clinquants, qui nous éblouis de sa maîtrise narrative et qui surtout, nous fait l’honneur de scènes d’anthologie dont on ne peut dénombrer les qualités. Certes, Boardwalk Empire ne dépasse pas encore, ou ne dépassera jamais ses aïeux, les Soprano et The Wire, mais la série de Terrence Winter, cette saison trois, s’intègre facilement dans la succession de chefs d’œuvres télévisés inoubliables. On ne peut donc manquer ça sans une excuse en béton armé. 18/20