Une anthropologue surdouée et un agent du FBI sensible : le duo séduisant de “Bones” détonne dans la masse des séries consacrées à la police scientifique. Mais il se démarque aussi par son idéologie conservatrice. L'histoire racontée par cette série policière est celle de Temperance Brennan qui est une anthropologue hautement qualifiée qui travaille à l'Institut Jeffersonian. En examinant les squelettes de personnes décédées, elle est capable d'en reconstituer la vie et les circonstances de la mort. De telles capacités n'échappent pas au FBI qui fait appel à ses services dans le cadre d'affaires criminelles lorsque les méthodes traditionnelles d'identification des corps ne donnent rien. Temperance travaille en collaboration avec l'agent spécial Seeley Booth, ancien sniper de l'armée qui se méfie de la science et des scientifiques... Huit saisons, déjà, que cette équipe de choc, aidée de spécialistes en tous genres, repousse le crime à Washington, à coups d’autopsies futées, de profilage et de logiciels high-tech. C’est à se demander comment quelques inconscients osent encore tuer des gens dans le coin. Des "Experts" à "NCIS : Enquêtes spéciales", on ne compte plus les séries consacrées à la police scientifique et à ses méthodes qui, vues de loin, paraissent tellement magiques. Créée en 2005 pour la chaîne américaine Fox, "Bones" est pourtant un cas particulier. Si l’enquête constitue l’ossature (si l’on ose dire) de chaque épisode, les personnages, leurs lubies, leurs relations, en sont la chair vive, mais aussi l’habillage idéologique. Froide, socialement inadaptée et arrogante, Temperance Brennan est à la médecine légale ce que, par exemple, Sheldon Cooper est à la physique expérimentale dans "The Big Bang Theory" : un extraterrestre génial. Ses gaffes, bévues et boulettes seraient drôles, si, en interagissant avec les autres héros de la série, elles ne suivaient pas en douce la ligne droitière et conservatrice de la chaîne Fox, ex-ardent soutien du président Bush et de l’intervention en Irak. Prenons, par exemple, le charmant débat qui oppose sans cesse notre scientifique à son partenaire du FBI. Elle est athée, il est croyant. A elle le scientisme raide et obtus, à lui la sensibilité, l’intuition, la compassion, toutes ces qualités humaines qui, selon la "bible" d’une série réactionnaire, ne peuvent se concevoir sans Dieu. Temperance elle-même paraît mollir, puisque dans un épisode de la toute dernière saison, elle vit une sorte d’expérience paranormale avec sa défunte Maman. "In God we trust", donc. Et en attendant "Son" jugement, "Bones" a aussi une idée très arrêtée sur la justice des hommes : la peine de mort fait l’unanimité. L’épisode 7 de la saison 1, "L’Ombre d’un doute", l’histoire d’un affreux serial killer spécialisé dans les ados blondes, vient étayer la démonstration. Bones et Booth y vont chacun fermement de leur argumentaire "pour" zigouiller les récidivistes, tandis que les abolitionnistes sont, eux, dépeints comme un ramassis d’illuminés méprisables. Côté géopolitique, même si la série se déroule dans le monde civil, l’armée et ses "exploits" à l’étranger ne sont jamais loin. L’agent Seeley Booth est un ancien marine, tireur d’élite (à ce propos, Bones aussi adore les armes, comme une vraie adhérente de la "National Rifle Association"). Il s’est illustré en Afghanistan (on "oublie" soigneusement la guerre sale en Irak), et y reprend même du service, à la fin de la cinquième saison. Un vrai héros militaire, sans nuances ni bémol. Même "Grey’s Anatomy", série pourtant fort peu engagée, évoque le syndrome post-traumatique des vétérans. Dans cette série, par ailleurs, on ne voit pas un bout de peau, sauf celle des cadavres. Côté mœurs, même s’il contient de nombreuses romances, le show est aussi frileux et pudibond qu’une première communiante (et à vrai dire, que la plupart des autres séries diffusées sur les chaînes grand public américaines) : pas un bout de peau en trop à l’écran, sauf sur les cadavres, tronçonnés, dégoulinants, gluants, décomposés. Ces corps-là sont apparemment moins choquants pour le public familial que la vue d’une cuisse ou d’un sein appartenant (encore) à un être vivant. Quand une société considère que la représentation de la mort est plus acceptable que celle de la sexualité, c’est qu’il y a… Un os. Cela dit, cette série sait rester vraiment pas mal du tout, avec un duo principal qui fonctionne à la perfection, de l'humour efficace, des enjeux dramatiques parfois véritablement prenants, de l'action et du rythme très bien gérés et des épisodes efficaces et très divertissants dans leur ensemble, avec en prime un très bon casting (David Boreanaz en tête bien évidemment). Bref, une série dramatique américaine policière vraiment atypique et bien foutue dans son ensemble malgré des discours sociaux un peu moyens, mais cela reste tout à fait acceptable