Je crois que le genre de l’autofiction dramatique en 30 minutes a donné ce qu’il avait à donner. Louie a placé la barre très haut, Master of none, Girls et Fleabag ont marché dans ses traces, Better Things montrait déjà quelques signes de faiblesse et Ramy (ma critique SC ici) est à mon avis une tentative intéressante mais maladroite. Avec Work in Progress, on est vraiment face à une mécanique qui tourne à vide, parce que tout l’édifice qu'elle prétend construire est fondé sur l’identité du personnage, telle qu'elle la proclame elle-même (grosse, lesbienne, dépressive et pleine de tocs). Or une identité n’est pas un récit et ne suffit pas à faire un sujet. C’est seulement un point de départ, à partir duquel il faudrait élaborer des enjeux captivants, des personnages secondaires en trois dimensions et un ton personnel, tout ce dont Work in Progress m'a semblé dépourvue. Aussi sympathique que puisse être – si l'on s'en tient au prisme un peu réducteur et très à la mode de la représentativité de la fiction – le projet consistant à mettre en lumière ce personnage a priori peu romanesque et peu commun (elle passe plus de temps à écrire dans son journal intime qu’à vivre), j’ai trouvé le résultat très irritant : la série emprunte les tics du genre sans se les approprier (les flashbacks sont creux et n'ont pas l'importance dramaturgique qui rendait indispensables les brusques plongées dans le passé de Louie, Ramy ou Fleabag) ; les dialogues sont d’une platitude totale ; l’héroïne m'a paru égocentrique, peu attachante et son interprète peu nuancée dans son jeu (tout le casting est d’ailleurs un peu limité) ; les personnages secondaires existent à peine et le ton est celui d’un éloge de la bienveillance tellement exacerbé qu’il tourne au ridicule (toute cette agitation autour du dead name aurait eu sa raison d’être si on l'avait traversée depuis le point de vue de Chris, pour qui cette question est taboue, mais en l'état, la crise paraît complètement artificielle, encore alourdie par une utilisation du flou qui n’a pas le moindre sens). L’humour n’est pas très fin, lui non plus, et toutes les petites excentricités du scénario (structurer les épisodes autour de ces amandes qui scandent les jours, faire parler Abby à un fond d'écran représentant sa psy décédée, etc.) ressemblent à la version fatiguée d’un esprit « dramédie indépendante » qui commence à présenter les symptômes d'un sérieux besoin de renouvellement.