Cette série avait le chic de créer la curiosité : la nouvelle série du génial auteur de Maniac (2018), un monde post-apo, et plus étrange encore, des artistes qui interprètent Hamlet dans les différents villages survivants.
Et le maître-mot de la série est bien paradoxe : on suit à la fois les 100 premiers jours suivant une épidémie de grippe mortelle à 99%, la rencontre improbable de la jeune Kirsten et de Jeevan, leurs peurs, leurs doutes, leurs malheurs d’être les seuls à avoir survécu quand tous les gens que l’on connaît sont morts.
Et de l’autre la Symphonie Ambulante, groupe d’artistes interprétant du Shakespeare 20 ans plus tard, dont le membre-clé est cette même Kirsten.
Les allers-retours entre les différentes timelines sont intéressantes, bien amenés, revenant toujours sur un point non-abordé, une situation dont on n’avait pas parlé.
Quelques autres individus peuplent le récit de 2041, allant subtilement jusqu’à retrouver des personnages qu’on avait perdu.
L’un des tours de force est que le personnage qui crée la dynamique tout du long, unissant toutes les histoires, créant un fil rouge étonnant et logique à la fois, décède au premier épisode. Son fantôme hante les principaux protagonistes, et motivent les actions des survivants.
J’adore le fait qu’un épisode soit tout du long ultra-léger sur le fond et la forme, pour finir par une touche glauque et amorale, sortant de nulle part, qui reste cohérente avec l’univers présenté (cf. le Fusil de Tchekhov comme l’expliquait Karim Debbache).
La série est évidemment une parabole de notre monde moderne, obsédé par la technologie, et sous cloche épidémique, qui révèle que le monde ne peut que se raccrocher à la culture et l’art en général, la seule chose à sauver l’humanité, à réconcilier les protagonistes, à encourager, donner de l’espoir.
Cette oeuvre est fortement imprégné du théâtre classique anglais, et pourra rebuter le grand public, mais qui sait? On sent une vraie démarche de l’auteur, une forme de vérité que seul le théâtre peut révéler.
On redécouvre la charismatique Mackenzie Davis (Terminator : Dark Fate), qui porte la série sur ses épaules avec un talent fou.
En second, vient le touchant Jeevan, interprété par Himesh Patel, qui insuffle une note triste et mélancolique au show.
On saluera la prestation incroyable de la très jeune Matilda Lawler jouant Kristen enfant avec un naturel déconcertant.
Mention aux acteurs secondaires : le charismatique et posé Gael García Bernal (Arthur), l’intense Danielle Deadwyler (Miranda), la sublime Caitlin FitzGerald (Elizabeth), l’imposant irlandais David Wilmot (Clark) et le sombre et mystérieux Daniel Zovatto (le Prophète).
Une série originale, étonnante, atypique, menée de mains de maître de bout en bout, et qui malgré des passages particulièrement sombres et crépusculaires, nous redonne foi dans le genre humain.