En un peu moins de 4h, vous aurez découvert un monde à part (celui des juifs ultra-orthodoxes), vous aurez suivi le parcours incroyable de cette jeune fille qui s'échappe de cette prison physique et mentale, et vous aurez fait la connaissance de Shira Haas, que vous n'êtes pas prêt d'oublier (c'est par où, la récompense ?). Un programme copieux, qu'on voit pour la première fois (on ignorait tout de ces rites, et du parcours de la vraie "Esty" : Deborah Feldman) et qui nous choque profondément si l'on a une once de respect pour la liberté individuelle (on ne juge pas les croyances ni les religions, mais simplement les actes forcés qu'ils impliquent) : on s'offusque de la position des femmes réduites à l'état d'objets tout juste bons à enfanter et à nettoyer la maison, on voit que chez les hommes l'éducation se cantonnent à l'interprétation de la Torah, on vit dans la peur de la persécution par autrui (avec pour mantra "tout le monde nous déteste"), on fait des mariages pratiques où l'amour est loin d'être un sujet de préoccupation derrière celui de faire une ribambelle d'enfants... On s'étouffe vite devant la rudesse des pratiques venues d'un autre temps, on n'a qu'une envie : que cette pauvre Esty s'en sorte, et le plus loin possible de cette communauté. La mise en scène est excellente, avec des plans thématiques qui se répondent : le premier épisode se conclue sur un baptême symbolique, marqueur d'une renaissance dans une vraie vie libérée, qui prend également le pas sur le lieu de mort (le lac où s'est décidée La Solution Finale nazie) qui était un sombre héritage trop pesant pour cette jeune fille. Le second épisode nous offre aussi une correspondance des plans entre l'habillage libertaire (Esty qui enfile un pantalon pour la première fois) et restrictive (le mari qui s'enserre les bras dans ses bandes sacrées pour prier), et se termine en nous brisant le cœur (lorsque la grand-mère tourne le dos à sa petite-fille avec qui elle formait un duo jusque-là très complice... Un coup de poignard en pleine poitrine). Les épisodes trois et quatre fonctionnent davantage en binôme, s'accordant sur leur thématique de l'hypocrisie religieuse de certains membres (Moishe qui est un voleur, menteur, tortionnaire voire même terroriste, mais prie sérieusement pour manger une banane...), montrant aussi le malheur de Esty qui était quasiment violée (dans la douleur à cause d'un vaginisme) par son époux (un brave garçon, un peu naïf, qui ne fait qu'obéir aux règles religieuses et à la pression de la communauté) et qui à présent a l'occasion de s'exprimer, pour de bon, en interprétant un chant yiddish tout aussi symbolique (les femmes n'ayant pas le droit de chanter) que puissant (on ne peut que se taire devant la prestation). On sent tout l'amour de la réalisatrice, de l'auteure et de Shira Haas (au regard bouleversant) pour la féminité, la vraie. Sans avoir besoin de dégainer une pancarte manifestante, un discours engagé balourd ou même un cliché prêt-à-penser, Unorthodox envoie valser la vision la plus triste de la femme (un ventre, un objet recouvert de dix tissus) pour construire doucement, lentement, celle que l'on espère devenir un modèle : une femme libre, belle selon ses propres critères, qui s'entoure des personnes qu'elle veut. On termine cette mini-série sur une fin ouverte qu'on s'empresse de vérifier sur Internet, pour s'assurer que la jeune fille s'en est bien sortie (réponse : oui, elle et son fils résident à Berlin), preuve que la série marque fortement sur l'instant et nous imprègne même longtemps après... Devant ces femmes-objets qui se persuadent d'être heureuses en prison, on a le cœur qui saigne, devant cette jeune fille porteuse d'espoir interprétée si intensément par Shira Haas, il se remet à battre. Bouleversant et intelligent, une véritable claque.