Lorsque David Fincher (mon réalisateur favori, responsable de mon film préféré et de ma cinéphilie) s'associe à Tim Miller (réalisateur de Deadpool) pour produire une série anthologique d'animation, cela ne peut que être excitant.
En effet, les 2 compères se sont rencontrés il y a des années déjà pour composer la séquence de générique très graphique de "The Girl with the Dragon Tattoo", via la société Blur (spécialisée dans les effets spéciaux et l'animation 3D de divers films ou cinématiques de jeu vidéo), fondée par Miller. Fincher fit à ce dernier la promesse qu'il l'aiderait à produire le projet de son choix si il en avait l'envie, et ce jour est enfin arrivé avec "Love, Death Robots".
Nourrie à des oeuvres pulp des années 70-80 comme Robot Carnival ou Métal Hurlant, cette anthologie de 18 épisodes entre 5 et 20 minutes mêle les genres avec une efficacité et une inventivité tout simplement effarante : science-fiction, horreur, action, fantastique, anticipation ou humour noir.
Chaque épisode se renouvèle également, via son animation,qui passe de la 2D traditionnelle à la 3D photoréaliste, en passant par la japanimation, le jeu vidéo et le comic book.
Définitivement pour un public adulte, adepte d'oeuvres subversives et singulières, "Love, Death Robots" est d'une richesse dingue, proposant une pléthore d'univers uniques allant du mystique dans la Chine du XIX siècle, de la hard-SF tendance space opera, de l'uchronie fantastico-médiévale ou le trip visuel halluciné, en passant par une guerre entre fermiers et aliens ou un survival archéologique.
Plus que de l'amour, de la mort ou des robots, c'est une véritable déclaration d'amour au pulp, à l'imagination et à la créativité, entre le jeu vidéo, le cinéma et la Bande-dessinée. Seuleune constante règne : la violence, qu'elle soit physique, graphique, psychologique ou sous-jacente
C'est simple, adepte de genre, on est scotché à chaque fois devant ce maelstrom d'écriture, de conception et d'animation, où chaque personnage est parfaitement caractérisé, chaque univers plus fou, chaque high-concept plus recherché, chaque réalisation poussée à fond et enfin chaque style d'animation propre à chacun des studios et artistes qui a participé à ce formidable ensemble (plus d'une dizaine de studios, dont des français,des américains, des hongrois, des chinois ou encore des canadiens
Profondément unique et dément, hardcore ou poétique, grisant ou débridé, jouissif ou métatextuel, "Love, Death Robots" est un petit chef-d'oeuvre tout simplement.
Ci-dessous, mon avis sur chacun des épisodes, via un léger descriptif évidemment sans spoiler, la série méritant une découverte totale :
- 1er épisode : "L'Avantage de Sonnie"
Une saison qui met dans le bain tout de suite via un court-métrage sombre et excellent ! y a du Métal Hurlant, du Deus Ex, du Cyberpunk pour un résultat de toute beauté et particulièrement violent, saupoudré d'un zeste de transhumanisme et de biotechnologie dans cette histoire de combat de bêtes futuriste
Bref un grand oui !
- 2e épisode : "Les Trois Robots"
Un Très bon épisode, et surtout très drôle, où l'humanité s'est éteinte et où la nouvelle forme de vie dominante fait du tourisme archéologique dans ville en ruines !
On reconnait T.J.Miller pour la voix de Xbot, et les 2 autres personnages me font pas mal penser à du Portal (GladOs pour le robot conique d'ailleurs). Bref les dialogues sont très bons, c'est burlesque, c'est un oui !
- 3e épisode : "Le Témoin"
Un épisode tout simplement génial, aux influences visuelles qui vont vers le Renaissance de Volckman, le Prodigies de Charreyron et le roman graphique, baigné dans une Hong-Kong futuriste à la Ghost in the Shell, où une traque s'opère entre la témoin d'un meurtre et le meurtrier en question. Du peep-show, du club SM, une conclusion méta grisante ...m'étonnerait pas que ce soit une idée de Fincher tout ça ! Bref superbe épisode par Mielgo (réalisateur-scénariste qui a bossé sur Spider-Man into the Spider-Verse) !
- 4e épisode : "Des Fermiers équipés"
Lorsque Starship Troopers, Pacific Rim et A Quiet Place se mélangent avec un zeste de Aliens, ça donne un court-métrage au potentiel vidéoludique indéniable et plein de singularité, où des fermiers protègent leurs habitations d'aliens arachnéens appelés DeeBees, grâce à des méchas sur-armés.
De l'action brute, un humour 80's, du badass et un style visuel de pure BD à la Telltale, LucasArts ou Spider-Verse, et on a une petite pépite d'animation ! Génial !
- 5e épisode : "Un Vieux Démon" :
Relecture du mythe de Dracula dans un survival empruntant à la Momie qu'à Predator, voilà un court-métrage encore une fois génial, où une équipe de mercenaires se voient poursuivre par une antité démoniaque ancestrale dans des galeries archéologiques labyrinthiques, dans un traitement visuel en 2D proche de la BD franco-belge (pas étonnant sachant que cet épisode a été conçu par des français). C'est violent, c'est brut et fun...c'est jouissif !
- 6e épisode : "La Revanche du Yaourt"
Un court-métrage de 5 minutes où un yaourt génétiquement modifié pour prévenir la fin dans le monde se voit doté d'une intelligence et commence à dominer la planète pour le bien de l'humanité....c'est avec ce high-concept totalement perché qu'on suit cette histoire hilarante au ton absurde et acerbe sur la société de demain, au rendu parfois proche de l'animation volumétrique.
-7e épisode : "Derrière la Faille"
Tout simplement enormissime (promis j'arrête de le redire)
On a fait du chemin en performance capture photo-réaliste depuis Final Fantasy les Créatures de l'Esprit.
Dans ce court-métrage sur fond de "Titan A.E rencontre Event Horizon et l'univers de Lovecraft", l'équipage d'un vaisseau de transport se retrouve à une station à 150 000 années lumières de la Terre après un mauvais calcul. Et...je n'en dirai pas plus, mais on a là un récit adulte et grisant comme il faut, magnifique visuellement à la conclusion terrible ! Prodigieux.
- 8e épisode : "Bonne Chasse"
Tout commence dans une ambiance féodale à la Tigre et Dragon, avant de verser vers du Gunnm dans une Chine coloniale steampunk, où le fils d'un chasseur se lie avec un hulijing, une changeline féline métamorphe.
Un mariage des genres unique, dotée d'une animation en 2D proche de la BD, où les sonorités asiatiques se mêlent à la direction artistique très Final Fantasy VII de toute beauté, avec un vrai discours sur le racisme et la misogynie. On redemande...c'est magnifique !
-9e épisode : "La Décharge"
Lorsqu'un agent citadin charge le vieux Dave l'Affreux de quitter sa Décharge, propriété qu'il possède depuis des années, ce dernier va lui raconter sa formidable rencontre avec le gardien des lieux : une créature mutante sous forme de Blob constitué de déchets...
10 min d'animation singulière (à la Rango de Verbinski) dans une ambiance Métal Hurlant toujours d'excellente facture !
- 10e épisode : Métamorphes"
Quand est-ce que cette formidable série cessera de se renouveler ? Certainement pas avec ce 10e épisode militaro-fantastico-super-héroïque, où l'armée fait face aux Talibans en intégrant dans leurs rangs des soldats loups-garous, dans un récit critiquant l'Amérique de Bush et le fourvoiement de l'utilisation de l'armée US dans un conflit qui ne cesse (avec en prime une influence Blade et X-Men pas piquée des vers),au moyen d'une animation photoréaliste et d'une réalisation ultra violente !
- 11e épisode : Le Coup de Main"
une animation photo-réaliste pour un récit tétanisant entre Gravity et le Gout de Vivre de Stephen King, où une astronaute doit réparer le satellite LV-426 (aficionados d'Alien bonjour) avant de survivre dans après s^être échouée dans le vide spatial,à n'importe quel prix....Tout simplement prenant et stressant !
- 12e épisode : "Les Esprits de la Nuit" :
Dans un début de road movie en plein Nevada, deux représentants tombés en panne au milieu du désert en pleine nuit se retrouvent propulsés dans un rêve préhistorique, à la croisée du Voyage de Chihiro et l'Odyssée de Pi. C'est somptueux et inventif visuellement encore une fois (d'allure comic book à la Brian K.Vaughan et Telltale).
- 13e épisode : "Lucky 13" :
Dans un univers qui semble tout droit sorti de Star Citizen, une bizut de l'aviation militaire se voit confiée un vaisseau maudit, et qui au-delà de la superstition, tissera un vrai lien avec ce "Lucky 13", au gré des missions stellaires réussies pour protéger des mines de terraformation d'attaques rebelles.
C'est encore d'une beauté plastique photoréaliste indéniable en plus de proposer des scènes de vol de haute volée ! Très très bon !
- 14e épisode : "L’œuvre de Zima"
Une fable métaphysique sur le transhumanisme et un retour aux origines hyper original dans un futur extrêmement lointain aux inspirations de space-opera à la Moebius, pour un magnifique court-métrage en 2D aux décours de toute beauté, proche de la peinture. Une journaliste va interviewer le plus grand artiste de tous les temps, créateur du "Bleu de Zima", avant de découvrir son passé et son ultime chef-d'oeuvre...à l'image de ce fabuleux court-métrage.
- 15e épisode : "Angle Mort"
Nourri au manga, ce court-métrage fun et jouissif nous place dans un futur techno-post-apocalyptique, en suivant un gang de cyborgs s'attaquant à un convoi lourdement armé, sous des airs de l'Agence Tous Risques et Cowboy Bebop encore une fois ultra réussi !
- 16e épisode : "L'Âge de Glace"
On passe évidemment au live-action cette fois réalisé par Tim Miller en personne (avec Topher Grace et Mary-Elizabeth Winstead) où un couple qui emménage dans leur nouvel appartement découvre une civilisation dans leur frigo,qui évolue à vue d'oeil. Une histoire totalement décalée et subversive qui emprunte autant aux Voyages de Gulliver que 2001 ! Excellent !
- 17e épisode : "Histoires Parallèles"
Une application nommée Multiversity qui permet une relecture de l'Histoire, prenant comme sujet la mort d'Hilter offre ni plus ni moins qu'un épisode que n'aurait pas renié Rick & Morty, dans un style mêlant 3D et 2D. L'armée autrichienne qui invente des armes à gelée, Vladimir Poutine sur la Lune ou encore des prostituées venues d'un espace extra-dimensionnel...ce ne sont que de simples éléments de cet épisode over-the-top et inventif comme jamais !
- 18e épisode : "Une Guerre Secrète"
C'est littéralement avec un baroud d'honneur que se conclue cette saison, dans un cadre de Seconde Guerre Mondiale uchronique, où des soldats de l'Armée Rouge se retrouvent en pleine Sibérie à lutter contre une horde de créatures démoniaques qui semblent tout droit sortir de l’œuvre de Dante ou Mike Mignola. Entre Saving Private Ryan et Gears of War, il s'agit du court-métrage le plus abouti techniquement, qui flatte la rétine comme jamais.