Après Au-delà des murs en 2016, voilà une autre production télévisuelle franco-belge qui vaut le détour ! Mais quel dommage que le public n’ait pas répondu présent à la diffusion de la deuxième saison de Zone Blanche, privant les spectateurs assidus de la suite et fin de l’histoire ! Ce n’est certes pas une série zéro défauts, on y trouve quelques tropes inhérents au genre du polar (comme la flic borderline hantée par son passé, ou la communauté où tous les problèmes tournent autour des mêmes personnes), voire même une poignée d’énormités. Mais on ne va pas non plus les recenser, car dans les grandes lignes, l’intrigue est bien ficelée et trouve un développement vraiment original dans la thématique de l’écologie, le tout dans une ambiance relevant à la fois du thriller policier, du fantastique et du western.
À vrai dire, au début, on ne sait pas trop si les événements inexplicables sont du ressort du surnaturel ou si ce sont des mises en scène réussies de la part de personnes mal intentionnées. Mais dès la fin de la première saison, et plus encore dans la deuxième, plus intense au niveau de la dramaturgie, le ton est donné. On n’en dira pas plus sur les révélations qu’apportent les épisodes finaux, si ce n’est qu’on a assez d’éléments pour faire des déductions et imaginer la suite. Mais il manque définitivement une conclusion à cette série pour ne pas rester sur sa faim.
On en retiendra par-dessus tout son ambiance si particulière, très référencée : ceux qui ont vu Twin Peaks l’évoquent spontanément, pour ma part, j’y ai retrouvé l’atmosphère de certains épisodes d’X-Files (l’irruption de l’irrationnel dans des enquêtes policières – exemple, les abeilles tueuses) ou de Top of the lake (le côté microcosme malsain au milieu d’une nature aussi grandiose que potentiellement hostile). On trouve même des clins d’œils inattendus (comme une phrase de Bashung qui s’invite au détour d’une réplique – voir l’épisode de la grotte !). Le second degré le dispute au glauque, et à chacun de reconnaître les références qui lui parlent, de la pop culture à la mythologie celte.
Enfin, les personnages principaux dépassent leur condition d’archétypes, grâce à un bon casting, peu connu du grand public : Suliane Brahim (le Major Laurène Weiss) est un étonnant contre-emploi tant son physique et sa voix frêles, qui lui donnent une allure presque encore adolescente malgré ses 38 ans, contrastent avec la nature butée de cette anti-héroïne ; Hubert Delattre fait de Nounours, flic à l’allure aussi virile qu’il peut être tendre et loyal, un personnage très attachant, tandis que Laurent Capelutto offre à la télé française le personnage de procureur le plus mémorable depuis longtemps : hypocondriaque, à sa place à Villefranche comme un chien dans un jeu de quilles, mais pugnace et irrésistiblement drôle. Dans le rôle du maire, Bertrand Steiner, Samuel Jouy est ambigu, à la fois d’une arrogance exaspérante, mais aussi parfois touchant quand on le voit dévasté par
la perte de sa fille
et écrasé par une figure paternelle détestable. Quant à Camille Aguilar (Cora Weiss), elle est juste dans le rôle de cette jeune fille engagée mais jamais tête à claque, même si un peu tête brûlée comme sa mère, avec qui elle entretient une relation moins conflictuelle qu’entachée par les non-dits. Tous les personnages secondaires ne sont pas développés avec la même profondeur, mais trois d’entre eux (Hermann, Sabine, et même Léa Steiner) s’étoffent davantage lors de la saison 2, tandis que Marina Hands rejoint la distribution pour pimenter la situation. Mais est-ce le mélange des genres qui a dérouté les téléspectateurs français ? Hélas, la série n’ayant pas été renouvelée du fait de son audience en baisse, on n’aura pas l’opportunité d’en découvrir plus sur tous ces personnages et sur la magie de cette forêt de Villefranche. Une seule solution pour pallier la frustration de ce final inachevé : écrire de la fan-fiction !