Peut-être l’une des meilleures séries depuis une bonne dizaine d’années. D’une part parce que le scénario est extrêmement innovant et iconoclaste. Innovant, car le personnage réunit plusieurs archétypes. D'abord celui du super héros, mais aussi et surtout celui du héros de film noir. «The private eye », le privé dans la même lignée de Philip Marlowe, ou Sam Spade. Fin limier, planifiant à partir de son bureau miteux, porté sur la bibine, bourru, mais bourré de charme. Comme il opère dans un milieu contemporain, on perçoit un heureux mélange de modernité et de classicisme des années 50, (jazz lancinant, les contrastes ombre et lumière du film noir, le tortueux des enquêtes, les méthodes d’investigation vieilles, mais redoutablement efficaces. L’innovation vient aussi du fait que ce n’est d’ailleurs pas ses facultés physiques qui lui permettent de résoudre ses énigmes, mais bel bien ses facultés intellectuelles, et son (mauvais) caractère. A l’instar de ses modèles, elle a des démons. Elle se fait pas mal taper dessus, mais défonce bien davantage, et de manière définitive, en retour. Le personnage est iconoclaste dans la mesure où il est tellement pétri de « défauts » qu’il a du mal à se loger dans la catégorie des héros, encore moins des héroïnes. Aucune jeune fille qui souhaitant plaire à ses parents ne prendrait le risque d’imiter Jessica Jones. Elle a un langage d’une verdeur d’autant plus surprenante, que les gros mots viennent d’une bouche jeune et jolie. Son hygiène vestimentaire et corporelle, n’est pas franchement exemplaire. Enfin elle fait preuve d’une liberté et d’un appétit sexuels fort dynamiques. Le personnage est d’autant plus attachant, qu’il est une synthèse de force et de fragilité, de cynisme et de pureté, de grossièreté mais de finesse. Une finesse se manifestant par un sens de l’humour destructeur, et un sens ultra vif de la répartie. La réussite du personnage de Jessica Jones revient à ses deux créateurs masculins Brian Michael Bendis et Michael Gaydos. Ils ont su avec finesse et clairvoyance faire entrer le concept du super héros, dans un stade plus profond de réalisme et de modernité. En revanche, la complexité hyper ciselée du féminisme, que revêt Jones revient à l’influence incontestable du regard féminin de l’équipe de la série. Notamment par la réalisatrice Melissa Rosenberg, et la boîte de Prod féministe "Tall Girls".