Fils d'industriels allemands du milieu du textile, Max Oppenheimer se découvre, à l'adolescence, une vocation pour le théâtre, tout en admirant le cinéma en tant que spectateur. Plutôt que de reprendre l'entreprise familiale, il se lance dans une carrière de comédien en 1919, en choisissant un pseudonyme, Ophüls, suggéré par un de ses professeurs d'art dramatique, Fritz Holl. Ne parvenant pas à percer comme acteur, il passe à la mise en scène de théâtre. Il rencontre alors le succès, et monte pas moins de 200 spectacles, entre la Suisse, l'Allemagne et l'Autriche. Parti à Vienne en 1926 pour travailler au prestigieux Burgtheater -où il est le plus jeune metteur en scène-, il fait la connaissance d'une actrice célèbre, Hilde Wall, qui deviendra son épouse et la mère de son fils Marcel, futur réalisateur.
Auteur pour la radio, critique dramatique, Max Ophüls désire, avec l'arrivée du parlant à la fin des années 20, s'orienter vers le 7ème art. Il décroche un premier emploi comme assistant d'Anatole Litvak pour les dialogues allemands de Nie wieder Liebe (1931). La société allemande UFA, qui produit le film, lui permet ensuite de réaliser son premier court métrage, On préfère l'huile de foie de morue, sur un scénario de Erich Kästner et Emeric Pressburger. Ses premiers longs (Le Studio amoureux, La Fiancee vendue) passent inaperçus. Il obtient en revanche en 1932 un grand succès avec Liebeleï, interprété par Magda Schneider (mère de Romy). Cette adaptation de Schnitzler témoigne de son goût pour la littérature mais aussi, déjà, de son talent à brosser le portrait de femmes amoureuses et blessées.
Lorsqu'il arrive à Paris pour fuir le nazisme en 1933, c'est d'abord à une version française de Liebelei qu'il doit s'atteler. Il accepte ensuite de tourner des films de styles très variés (la comédie fantastique La Tendre Ennemie, le mélo exotique Yoshiwara en 1937) et sur différents territoires (La Dame de tout le monde en Italie, Comedie de l'argent en Hollande). Mais on retient surtout de cette période un autre film inspiré d'un fameux ouvrage du XIXe : Le Roman de Werther (1938), d'après le chef d'oeuvre romantique de Goethe. A la même époque, cet amoureux des actrices dirige Edwige Feuillere dans Sans lendemain puis De Mayerling à Sarajevo (1940), un film au tournage mouvementé en raison des circonstances historiques.
Un temps mobilisé dans l'armée française, il part en 1941 en Suisse où il travaille à une adaptation -qui ne verra pas le jour- de L'Ecole des femmes avec Louis Jouvet. Obligé de se déclarer déserteur s'il souhaite résider dans le pays neutre, il renonce et décide de partir aux Etats-Unis. Après plusieurs mois sans travail, le cinéaste Preston Sturges, admirateur de "Liebelei", l'engage pour réaliser Vendetta... mais l'écarte du plateau au bout de quelques jours. Son premier film américain sera donc en 1946 L' Exilé, film d'aventures avec Douglas Fairbanks Jr. en Charles 2. Il revient à un registre plus proche de ses films européens avec Lettre d'une inconnue d'après Zweig, avec Joan Fontaine et Louis Jourdan. Boudé par le public mais estimé par la critique, il dirige une autre star hollywoodienne, James Mason dans le film noir Caught puis dans Les Désemparés.
Après un nouveau projet avorté (une "Duchesse de langeais" avec Garbo), il signe en France un cycle de films considéré comme l'âge d'or de son oeuvre : après La Ronde (1950), qui enchaîne de façon étourdissante plusieurs récits amoureux, vient Le Plaisir (1952), film à sketchs inspiré de nouvelles de Maupassant, dont La Maison Tellier, autour des pensionnaires d'une maison close. Sommet d'élégance ophulsienne, Madame de... (1953) d'après Louise de vilmorin, offre à Danielle Darrieux un de ses plus grands rôles, celui d'une coquette prise à son propre piège. A chaque fois, la virtuosité de la mise en scène et le brio de l'interprétation n'excluent ni la cruauté des sentiments ni la violence des rapports sociaux. Il s'attelle alors à l'ambitieux Lola Montès avec Martine Carol, ou les amours, contées en flashbacks, d'une courtisane devenue objet de la curiosité populaire. Saluée par la Nouvelle vague, cette oeuvre flamboyante, en Scope et en couleurs, se révèle un échec commercial retentissant. Malade, le cinéaste laisse les producteurs remonter le film contre son gré et repart en Allemagne, où il s'éteint peu après avoir mis en scène Le Mariage de Figaro.