"Quand j’ai eu dix ans, nous avons déménagé et j’ai décidé qu’aucun des noms par lesquels on m’appelait (…) ne me convenait. Et, d’une façon ou d’une autre, j’ai été frappé par "Rex". J’avais dû entendre quelqu’un appeler son chien ainsi, et j’ai trouvé que ça sonnait mieux." Voici donc comment Reginald Carey est devenu Rex Harrison, se choisissant ainsi un nom de scène bien avant d’y arriver. Né le 5 mars 1908 en Grande-Bretagne, il passe son enfance dans le pays et notamment au Liverpool College, où une violente rougeole lui fait perdre la quasi-totalité de l’usage de son œil gauche. Un handicap qui le poursuit tout au long de sa carrière, mais ne l’empêche pas de faire ses débuts sur les planches à l’âge de 18 ans. Sauf que sa première expérience a bien failli être la dernière, tant sa courte prestation a été de l’ordre de la catastrophe.
Mais il a sans doute été écrit que Rex Harrison était destiné à être acteur, puisqu’une nouvelle chance lui est donnée, toujours au théâtre. Il intègre ainsi le célèbre West End of London, et se fait remarquer grâce à la pièce "L’Ecurie Watson" de Terence Rattigan. Sans négliger les planches sur lesquelles il continuera de monter régulièrement jusqu’à sa mort, le comédien se tourne vers le 7ème Art dès 1930 (The Great Game), et devient vite un spécialiste des comédies anglaises, après ses apparitions dans Tempête dans une tasse de thé (1937) ou Vedettes du pavé (1938). Des long métrages qui lui vaudront d’être qualifié de "plus grand acteur de comédies légères du monde."
C’est pourtant à cette même époque, la fin des années 30, que Rex Harrison varie un peu son registre en enchaînant notamment un drame chez King Vidor (La Citadelle), un film policier signé Carol Reed (Train de nuit pour Munich) ou la comédie dramatique Major Barbara, entre 1938 et 1941. Puis, Seconde Guerre Mondiale oblige, il met sa carrière entre parenthèses et sert dans la Royale Air Force, avant de revenir vers les plateaux, et celui de David Lean (L'Esprit s'amuse) pour commencer. Suivent La Grande Aventure (1945), Anna et le roi de Siam (1946), et c’est là que le comédien fait l’une des rencontres les plus marquantes de sa filmographie, lorsque Joseph L. Mankiewicz l’engage pour donner la réplique à Gene Tierney dans l’un de ses plus grands films, L'Aventure de Mme Muir (1947).
Les deux hommes se retrouveront ensuite à trois reprises, pour tourner Escape (1948), Guêpier pour trois abeilles (1967) et surtout Cléopâtre (1963), aussi célèbre pour son ampleur que son tournage compliqué et le gouffre financier qu’il a été, mais qui vaut à Rex Harrison d’être nommé aux Oscars. Une grande première pour ce comédien qui, les années précédentes, avait davantage approché les partenaires prestigieux que les récompenses, en côtoyant George Sanders (Richard Coeur de Lion), Doris Day (Piège à minuit), Rita Hayworth (Les Joyeux voleurs), ou même son épouse de l’époque, Lilli Palmer, à qui il donne la réplique dans The Long Dark Hall (1951) et The Four Poster (1952). 1963 peut donc être considérée comme une année charnière, et la suivante sera même mieux.
En 1964, Rex Harrison reprend en effet le rôle du Professeur Higgins dans My Fair Lady, adaptation musicale de la pièce "Pygmalion" qu’il avait déjà interprétée sur les planches, aux côtés de Julie Andrews. Cette dernière ne sera pourtant pas de la version cinéma, mise en scène par George Cukor, ce, au profit d'Audrey Hepburn, qu’Harrison ne se privera pas de critiquer dans un premier temps, avant de changer son discours, aux Oscars notamment. Au moment de recevoir l’une des 8 statuettes remportée par le long métrage (et la seule de sa carrière), le comédien dédie en effet le prix à ses deux "fair ladies", à savoir Julie Andrews et Audrey Hepburn.
Dans la foulée de ce succès public et critique, Rex Harrison retrouve Carol Reed pour donner la réplique à Charlton Heston dans L'Extase et l'agonie, puis collabore pour la troisième et dernière fois avec Mankiewicz ("Guêpier pour trois abeilles") et décroche un autre de ses rôles marquants, celui du héros de L'Extravagant Docteur Dolittle (1967), avant de côtoyer Richard Burton dans L'Escalier de Stanley Donen (1969) et… d’annoncer qu’il met fin à sa carrière cinématographique pour se consacrer à Broadway.
Très présent à la télé et sur les planches, Rex Harrison reviendra toutefois sur sa déclaration, pour Richard Fleischer, réalisateur du "Docteur Dolittle", notamment, en apparaissant dans Le Prince et le pauvre et Ashanti, et s’illustre pour la dernière fois sur les écrans en 1986, dans le téléfilm Anastasia : The Mystery of Anna face, entre autres, à un tout jeune Christian Bale. A peine un an après avoir été annobli par la Reine Elizabeth II d'Angleterre, il boucle la boucle en montant pour la dernière fois sur les planches le 11 mai 1990, quelques semaines avant qu’un cancer du pancréas ne l’emporte, le 2 juin, au terme d’une carrière qui l’aura vu prouver que le surnom "Rex", qui signifie "Roi" en latin, lui convenait plutôt bien.
Auteur : Maximilien Pierrette