Jean Rouch effectue son premier voyage en Afrique en 1941, alors qu'il est encore ingénieur des Ponts et chaussées. Passionné d'ethnologie, il voit rapidement dans le cinéma un moyen de faire connaître au public européen les traditions et la culture africaines. Refusant tout "exotisme", il s'attache à montrer ces rituels à l'état brut, tout en ajoutant un commentaire très personnel, comme dans l'un de ses films les plus célèbres, Les Maîtres fous (primé à Venise en 1957), dans lequel est perceptible le profond respect du réalisateur qui emploie, à propos de son travail, le terme de "ciné-transe".
Parallèlement à ses nombreux travaux en Afrique, Jean Rouch se fait connaître en France avec Moi, un Noir, Prix Louis-Delluc 1958, un troublant mélange de documentaire et de fiction dans lequel le cinéaste suit à Abidjan les tribulations tragi-comiques d'émigrés nigériens qui se font appeler Edward G. Robinson ou Eddie Constantine. En 1960, il tourne dans Paris avec le sociologue Edgar Morin Chronique d'un été, primé au Festival de Cannes.
L'influence considérable de Rouch dépasse le cadre du documentaire. Les cinéastes de la Nouvelle Vague, notamment Jean-Luc Godard, ont ainsi été très marqués par les films -tournés caméra à l'épaule- d'un artiste qui a été dans les années cinquante le fer de lance de ce qu'on appelle alors "cinéma direct" ou "cinéma vérité". Rouch réalise d'ailleurs un des sketchs du film-manifeste Paris vu par..., aux côtés, entre autres, de Claude Chabrol et Eric Rohmer. Fondateur en 1952 du Comité du Film ethnographique, cet homme cultivé et enthousiaste a été directeur de recherche au CNRS et présida la Cinémathèque de 1987 à 1991. En 2004, cet amoureux de l'Afrique, réalisateur de plus de cent films, trouve la mort dans un accident de voiture au Niger, à l'âge de 86 ans.