Barbara Stanwyck – Ruby Catherine Stevens de son vrai nom-, née le 16 juillet 1907 à Brooklyn, dans un milieu très défavorisé. Sa mère, alors enceinte, décède dans un accident de la circulation alors qu’elle a quatre ans. Peu de temps après, son père, maçon, abandonne le foyer et ses cinq enfants. Elevée par sa sœur aînée, elle est finalement obligée de quitter l’école à 13 ans et de commencer à gagner sa vie. D’abord comme employée dans une société de téléphone locale, puis à l’âge de 17 ans comme danseuse dans la revue Ziegfield Follies. Elle apparaît sur scène à Broadway, et se fait remarquer dans les pièces The Noose en 1926 et Burlesque l’année suivante. Willard Mack, imprésario à l’origine de ses débuts à Broadway, lui propose alors son nom d’artiste : ce sera Barbara Stanwyck. En 1927, elle passe avec succès un essai qui lui permet d’être engagée, même si elle n’est pas créditée au générique, dans le film Broadway Nights.
Ses tous premiers films ne rencontrent guère de succès, jusqu’à ce qu’un jeune cinéaste ne remarque son aisance et son naturel devant les caméras : Frank Capra. "Elle ne joue pas une scène, elle la vit" déclare-t-il enthousiaste à propos de l’actrice. Incarnant une fille facile touchée par l’amour dans Ladies of leisure (1930), elle parvient à donner à son personnage une vraie émotion. Leur fructueuse collaboration dure encore le temps de quatre films : The Miracle Woman (1931), Amour défendu (1932) , La Grande Muraille (1933) ; et, plus tard, L' Homme de la rue (1941). Des films qui lui permettent de varier son jeu, passant de celui d’une prédicatrice cynique à la mère célibataire, en passant par la missionnaire amoureuse. Sous contrat avec la Columbia, elle est régulièrement prêtée par le studio à la Major Warner. Elle tourne ainsi sous la direction de William A. Wellman dans L' Ange blanc. Dans les films comme Shopworn, Ladies they talk about et Liliane, l’actrice affirme davantage encore sa personnalité cinématographique, en incarnant souvent une femme forte, déterminée, intelligente, parfois amorale, et rencontrant rarement une fin heureuse.
Très à l’aise dans les changements de registres, elle passe sans problème du western (Pacific Express) à la comédie, comme dans le classique Stella Dallas de King Vidor, ou le formidable Boule de feu de Howard Hawks. Deux films pour lesquels elle obtient une citation à l’Oscar de la Meilleure actrice sur les quatre au cours de sa carrière. Oscar qu’elle n’obtiendra pourtant jamais. Un revers de fortune dont certains mauvais esprits s’empareront, en la surnommant "la meilleure actrice qui n’a jamais gagné un Oscar". Il faudra attendre 1982 pour que l’Académie lui décerne la statuette à titre honorifique, pour sa contribution unique au cinéma.
En 1944, Billy Wilder lui offre un de ses plus grands rôles dans Assurance sur la mort, où elle donne la réplique à Fred MacMurray. Deux personnages entrés dans la légende du Film Noir, et deux acteurs brillamment utilisés à contre-emploi par le cinéaste. Stanwyck, l’héroïne volontaire et positive de tant de drames réalistes et de comédies incarne une tueuse. "Lorsque Billy Wilder me donna le scénario et que je l’eus terminé, je pensais que je n’avais jamais joué une telle meurtrière. J’avais incarné des mauvaises femmes mais jamais aussi totalement criminelles. Le fait que ce soit un personnage antipathique me fit peur et, lorsque je revins dans son bureau, je lui dis : "j’aime beaucoup le scénario et je vous aime beaucoup, mais je suis un peu inquiète à l’idée de jouer, après tant d’héroïnes, une telle criminelle de sang-froid" déclare-t-elle des années plus tard. Et d’ajouter : "Monsieur Wilder me regarda et me demanda : "vous êtes une souris ou une actrice ?" Je lui répondis : "j’espère être une actrice ! - Alors acceptez le rôle" me dit-il. C’est ce que j’ai fait, et je lui en suis très reconnaissante". Sous L' Emprise du crime chez Lewis Milestone en 1946, Stanwyck livre des compositions solides dans Raccrochez, c'est une erreur! (Anatole Litvak, 1948), ou encore chez Robert Siodmak dans La Femme à l’écharpe pailletée (1950). La même année, elle est extraordinaire dans le western Les Furies d’Anthony Mann, où Judith Anderson cherche à la dépouiller de son héritage.
Se remettant très difficilement de son divorce avec l’acteur Robert Taylor en 1952 (elle ne se remariera plus jamais), l’actrice se jette à corps perdu dans le travail et enchaîne les tournages, entre productions modestes ou mineures (La Reine de la prairie, La Horde sauvage), de prestige (La Tour des ambitieux) et films importants (Quarante tueurs de Samuel Fuller). Elle attendra cinq ans avant de tourner à nouveau, cette fois-ci sous la direction du grand Edward Dmytryk, dans La Rue chaude, où elle partage la vedette avec une jeune actrice promise à une grande carrière : Jane Fonda. Après deux films médiocres (la romance musicale L' Homme à tout faire, et le film d’épouvante The Night Walker, pourtant scénarisé par Robert Bloch) Stanwyck ne tourne plus de films. En fait, c’est plus Hollywood qui se détourne d’elle, alors qu’elle approche les 60 ans. "Personne ne m’a réclamé. A Hollywood, ils n’écrivent plus de rôle pour une femme de mon âge, parce que l’Amérique est désormais le pays de la jeunesse. Nous avons mûri et avons avancé. Le passé appartient au passé" explique-t-elle, lucide, à la fin des années 60.
Le rebond, rapide, va venir de la télévision, avec un grand succès. De 1965 à 1969, elle triomphe en incarnant la matriarche Victoria Barkley dans la série La Grande vallée. Une prestation récompensée à juste titre par un Emmy Award de la Meilleure actrice en 1966. Elle sera encore nominée deux fois consécutives, en 1967 et 1968. Après avoir échoué en 1980 à obtenir l'un des rôles féminins aux côtés d'Henry Fonda dans La Maison du lac, qui sera finalement tenu par Katharine Hepburn, elle se rattrape très largement trois ans plus tard avec Les Oiseaux se cachent pour mourir. Mini-série de quatre épisodes adaptée du Best-Seller de Colleen McCullough, elle y a notamment pour partenaire Richard Chamberlain, prêtre puis Evêque et Cardinal tiraillé entre ses choix religieux et ses choix d'homme. La mini-série obtient un succès retentissant dans le monde entier, rafle 5 Emmy Awards en 1983 dont celui de la Meilleure actrice pour Stanwyck, et 4 Golden Globes en 1984.
Dans les années suivantes, sa santé se détériore gravement. Elle perd la vue, souffre de complications au niveau de la colonne vertébrale et de problèmes cardiaques. Elle est finalement emportée par une pneumonie et une crise cardiaque le 20 janvier 1990 à Santa Monica, en Californie. Fortement appréciée par les metteurs en scènes qui louaient unanimement à la fois sa gentillesse et le sérieux de son travail, capable en cela de délivrer de puissantes et mémorables compositions; rarissime exemple de générosité, d'intégrité et de simplicité dans un milieu hollywoodien plutôt habitué aux coups tordus, Barbara Stanwyck a été un modèle à suivre pour toute une génération d'actrices, parmi lesquelles Sally Field.
Auteur : Olivier Pallaruelo