Enfant délaissée par son père, Juliette Gréco est séparée de sa mère et de sa sœur pendant la Seconde Guerre Mondiale, toutes deux déportées à Ravensbrück jusqu’à leur Libération en 1945. Alors prise en charge à Paris par un professeur de français, elle fréquente le quartier des artistes à Saint-Germain-des-Prés où elle côtoie Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Boris Vian et Miles Davis. Sa beauté ténébreuse et son effronterie séduisent le cercle des intellectuels. Elle obtient quelques rôles au théâtre et chante dans des cabarets. Sa carrière au cinéma débute lorsqu’elle interprète des personnages secondaires pour Au royaume des cieux de Julien Duvivier, Orphée de Jean Cocteau et Elena et les Hommes de Jean Renoir.
Artiste complète, Juliette Gréco mène toujours une carrière musicale en parallèle. Son premier album sort en 1951 « Je suis comme je suis » écrit par Jacques Prévert et Joseph Kosma. Grâce à ses chansons, elle chante à l’Olympia en 1954 et gagne les faveurs d’ Hollywood. Elle se rend sur l’autre continent en 1957 pour jouer dans son premier film américain Le Soleil se lève aussi d’Henry King où elle rencontre un influent producteur et amant, Darryl F. Zanuck. Il lui permet de jouer des rôles de femmes sensuelles, véritables objets de désir, dans des films importants tels que Les Racines du ciel de John Huston avec Errol Flynn et Orson Welles, qu'elle retrouve dans Drame dans un miroir de Richard Fleischer. Mais l’actrice indomptable face à un homme possessif qui engage des détectives privés pour la surveiller, renonce à rester aux États-Unis. Elle regagne l'Europe et apparaît en 1958 dans Bonjour tristesse d’Otto Preminger, l’adaptation du roman de Françoise Sagan, pour chanter la célèbre chanson du même nom.
Au début des années 60, revenant davantage à son domaine de prédilection qu’est la musique, elle chante des titres célèbres de Serge Gainsbourg, Jacques Brel et Léo Ferré, « La Javanaise », « La Chanson des vieux amants », « Jolie Môme ». Elle rencontre Michel Piccoli et passe dix ans de sa vie avec lui. Le cinéma prend une place moins conséquente, mais l’actrice continue à faire des apparitions dans plusieurs longs métrages comme La Case de l'Oncle Tom de Geza von Radvanyi. Adepte tout au long de sa carrière de rôles audacieux et d’histoires d’amour, elle remporte également un franc succès en jouant le fantôme intouchable de Belphégor- feuilleton télévisé en 4 épisodes- par Claude Barma, aux accents ésotériques. Elle fera un rôle clin d’œil dans le remake de ce dernier, Belphégor, le fantôme du Louvre (2001) réalisé par Jean-Paul Salomé avec Sophie Marceau.
Au cours des années 70 et 80, Juliette Gréco part en tournée à travers le monde accompagnée au piano par son mari Gérard Jouannest, et reçoit la légion d’honneur le 23 octobre 1984 des mains du Premier ministre Laurent Fabius. En 1993, puis en 2004, elle fait deux concerts à l’Olympia. Les « Victoires de la musique 2007 » lui remettent une « Victoire d’honneur » pour l’ensemble de sa carrière. Toujours en activité, elle travaille ensuite avec de nombreux nouveaux chanteurs français comme Abd Al Malick, Benjamin Biolay et Olivia Ruiz, et obtient la médaille d’or de la Sacem.
Au cours de l’année 2010, elle revient au cinéma cette fois pour parler d’elle-même. Un documentaire à cœur ouvert lui est consacré Je suis comme je suis de Brigitte Huault-Delannoy. Elle y exprime son désir insatiable de découverte et de vie: « J’ai faim de tout ce que je ne sais pas. Il y a un univers de choses que j’ai loupées. Je partirai sur ma faim. Je ne partirai pas rassasiée », dira-t-elle.
Auteur : Joséphine Baillaud