D’origine irlandaise, James Cagney passe son enfance à New York, dans un quartier difficile où il apprend très vite à faire face à la violence de rue, ainsi qu’à la sévérité de sa mère. Dès son adolescence, il exerce plusieurs métiers pour aider sa famille, et se passionne pour différentes activités sportives, dont la boxe que son père pratique, mais que sa mère le pousse finalement à arrêter. Ne se prédestinant pas du tout à une carrière d’acteur, le jeune homme débrouillard et bagarreur effectue ses premiers pas sur scène par le plus grand des hasards, en se déguisant en femme pour les besoins d'un spectacle musical… Une prestation bien loin des personnages de gangsters pour lesquels il sera par la suite immortalisé, mais qui témoigne tout de même d’un aspect important et méconnu de sa carrière : sa passion de la scène, de la comédie et de la danse.
Véritable coup de foudre, le comédien débutant se produit - à partir de ce moment clé - dans divers cabarets, au sein desquels il rencontre sa future femme, la danseuse Frances Willard avec qui il restera marié jusqu’à sa mort. Sur scène, ses talents de danseur de claquettes se manifestent pleinement, et en 1930, il s’illustre sur les planches de Broadway. Cette même année, la Warner le remarque dans la pièce "Penny Arcade", qu’elle décide d’adapter au cinéma sous le titre Sinners' Holiday. Ce film marque ainsi la première prestation cinématographique de Cagney. Les producteurs de la Warner ne tardent pas à prendre conscience du charisme de cette "petite frappe" d’1,70 mètre, qui se voit proposer le rôle principal du violent L'Ennemi public (1930), succès commercial et critique érigeant James Cagney en star incontournable du film de gangsters des années 1930.
S’en suivent plusieurs rôles de hors-la-loi charismatiques conférant à lui donner cette image de mauvais garçon, rôles que le public apprécie beaucoup dans un contexte post crise de 1929. James Cagney tourne ainsi - pendant les années 1930 - dans Winner Take All (1932), Le Tombeur (1933), Les Anges aux figures sales (1938), A chaque aube je meurs (1939) et Les Fantastiques années vingt (id.). Cela étant, cette prédisposition à jouer les criminels ne doit pas éclipser le fait qu’il s’affiche avec tout autant de talent dans d’autres genres de films. Chez deux de ses metteurs en scène fétiches par exemple : dans Taxi ! (1932) tout d’abord, il se glisse dans la peau d’un syndicaliste déterminé sous la direction de Roy Del Ruth (il en va d’ailleurs de même dans la réalité, Cagney fondant un syndicat cherchant à améliorer les conditions de travail à Hollywood). Puis, un an plus tard, l’acteur danse devant la caméra de Lloyd Bacon - avec qui il tourne neuf fois en tout - pour les besoins de la comédie musicale Prologues.
Si la Warner tarde à en prendre conscience, James Cagney aime prouver à de multiples reprises qu’il peut jouer autre chose qu’un voyou, même si - avouons-le - il excelle dans ce domaine. C’est ainsi qu’il est en tête d’affiche de la comédie musicale La Glorieuse parade de Michael Curtiz, gros succès de l’année 1942. Ce film lui permet d’obtenir l’Oscar du Meilleur acteur, et le prix de la critique new-yorkaise, une récompense qu’il avait déjà obtenue avec Les Anges aux figures sales quatre ans auparavant, également sous la houlette de Curtiz. Malgré ses nombreux démêlés avec la Warner - témoignant de son caractère obstiné - et sa volonté de se diversifier, James Cagney joue, en 1949, dans l’un de ses films les plus connus : L'Enfer est à lui de Raoul Walsh. Sa prestation d’un gangster névrosé et fils à sa maman restera à jamais gravée dans les annales. L’acteur explique d’ailleurs s’être inspiré de son propre vécu pour composer ce personnage culte.
Par la suite, James Cagney alterne les studios en tournant avec les plus grands, de John Ford (What Price Glory, 1952) à Gordon Douglas (Un Fauve en liberté, 1950, Feu sur le gang, 1951), en passant par Nicholas Ray (A l'ombre des potences, 1955). Il endosse même la casquette de réalisateur avec A deux pas de l'enfer en 1957, qui n’est malheureusement pas un succès. Epuisé et de plus en plus affecté par ses jambes, le comédien choisit de se retirer du cinéma après avoir joué dans la comédie Un, deux, trois (Billy Wilder, 1961), pour se consacrer à sa femme, sa ferme et ses chevaux qu’il adore. Une vingtaine d’années plus tard, l’atypique cinéaste Milos Forman lui offre le rôle d’un chef de police - contrastant ainsi avec ses personnages de gangsters durs à cuire - dans Ragtime, où il retrouve l’un de ses partenaires des années 1930, Pat O'Brien, pour lequel il s’agit également du dernier film. A 86 ans, James Cagney est finalement emporté par la maladie. D’une enfance difficile aux plateaux des plus grands films de gangsters, en passant par ses procès contre la Warner et ses comédies musicales, il laisse derrière lui un parcours exceptionnel, tout droit sorti d’un film hollywoodien.
Auteur : Laurent Schenck