Originaire d'une riche famille de Turin qui quitte l'Italie par crainte des Brigades Rouges, Valeria Bruni Tedeschi arrive en France à l'âge de 9 ans. Après une année d'hypokhâgne, elle suit des cours de théâtre à l'École des Amandiers de Nanterre, avec pour professeurs Pierre Romans et Patrice Chéreau, qui lui font jouer Kleist et Tchekhov. Si elle apparaît à l'écran en 1986 dans Paulette, la pauvre petite milliardaire, c'est Chéreau qui lui offre son premier vrai rôle dans Hotel de France, film de troupe, tourné avec les élèves des Amandiers. Elle retrouvera son mentor en 1993 pour La Reine Margot et surtout pour le fiévreux Ceux qui m'aiment prendront le train, en 1997.
L'actrice accède à la notoriété en 1993 grâce aux Gens normaux n'ont rien d'exceptionnel, premier film de Laurence Ferreira Barbosa, dans lequel elle incarne une jeune fille au bord de la folie : sa composition à fleur de peau lui vaut le César du meilleur espoir féminin. Devenue l'actrice-fétiche des auteurs de la jeune génération, elle noue une forte complicité avec Noémie Lvovsky dès son court-métrage Dis-moi oui, dis-moi non, auquel succède son premier long, Oublie-moi, nouveau portrait de femme instable et vulnérable. La comédienne au regard clair et à la voix cassée interprète en 1999 une chômeuse qui passe ses journées au supermarché dans Rien à faire de Marion Vernoux.
Des cinéastes confirmés permettront à Bruni Tedeschi, habituée aux personnages fragiles et tourmentés, de dévoiler d'autres facettes de son talent. Sensuelle boulangère dans Nénette et Boni, elle incarne un policier opiniâtre dans Au coeur du mensonge de Chabrol. Ne dédaignant pas un cinéma plus commercial (Ah ! si j'étais riche), elle trouve de beaux rôles dans son pays natal, auprès de Bellocchio (La Nourrice) et Calopresti (La Seconda volta). Plus épanouie que jamais à l'approche de la quarantaine, elle illumine 5 x 2 (2004), radiographie du couple signée Ozon et déploie une fantaisie débridée dans Crustacés et coquillages (2005).
C'est en co-signant les dialogues de Mots d'amour (1998) que Valeria Bruni Tedeschi prend goût à l'écriture. Son coup d'essai comme réalisatrice, l'autoportrait ironique Il est plus facile pour un chameau..., décroche le Prix Delluc du premier film en 2003. Dans son deuxième opus, Actrices, présenté en Sélection officielle à Cannes en 2007, elle continue d'exposer avec humour ses doutes et ses angoisses. Ce mélange de légèreté et de gravité, on le retrouve la même année dans Faut que ça danse ! de son amie Noémie Lvovsky, dans lequel elle incarne la fille de Jean-Pierre Marielle.
En 2008, Valeria Bruni Tedeschi partage, avec Miou-Miou et Lambert Wilson, l'affiche de l'adaptation du roman d'Agatha Christie signée Agathe Bonitzer : Le Grand alibi. Elle revient au genre dramatique dans Les Regrets de Cédric Kahn où elle retrouve son amour de jeunesse en la personne d'Yvan Attal, avant d'incarner une enseignante face à l'expulsion d'enfants sans papiers, sujet politique qui lui tient à coeur, dans Les Mains en l'air (2009) de Romain Goupil – qui la dirigera une nouvelle fois en 2015 dans Les Jours venus. La même année, l’actrice revient à ses origines italiennes en tournant sous la direction de Gabriele Muccino, de retour de son escapade américaine, dans Encore un baiser.
Six ans après Actrices, Valeria Bruni Tedeschi reprend son costume de réalisatrice pour Un château en Italie, comédie dramatique mettant en scène les tribulations d’une famille italienne, et comptant dans sa distribution Louis Garrel et Xavier Beauvois. Le film est présenté en compétition officielle à Cannes, à la surprise générale.
Elle tourne ensuite sous la direction du cinéaste Paolo Virzi dans Les Opportunistes (2014) et Filles de joie (2016), deux films qui lui vaudront le David di Donatello (l'équivalent des César en Italie) de la meilleure actrice. Entre temps, elle est dirigée par Bertrand Bonello (Saint Laurent), Samuel Benchetrit (Asphalte) et Bruno Dumont (Ma Loute). Elle s'offre également une incursion chez Claire Denis dans Un beau soleil intérieur, avant de revenir devant et derrière la caméra dans Les Estivants en 2019. Elle revient pour l'occasion au genre de l'auto-fiction, après une adaptation de Tchekhov (Les Trois soeurs) et la co-réalisation d'un documentaire (Une jeune fille de 90 ans), dans ce qu'elle qualifie d'"autobiographie imaginaire".
Après Seules les bêtes de Dominik Moll, elle est nommée en 2021 au César du meilleur second rôle pour Été 85, romance solaire de François Ozon où elle joue la mère de Benjamin Voisin. Elle succombe ensuite au charme d'Anaïs Demoustier dans Les Amours d’Anaïs et campe la compagne envahissante de Marina Foïs dans la comédie sociale La Fracture. Ce personnage haut en couleur, aussi exaspérant qu'hilarant, lui permet de décrocher sa première nomination au César de la meilleure actrice.
En 2022, elle présente en compétition officielle à Cannes Les Amandiers, inspiré de sa jeunesse et de sa formation de comédienne à l'École des Amandiers de Patrice Chéreau. La sortie du film est rattrapée par des accusations de viols et de violences à l'encontre de l'interprète masculin principal, Sofiane Bennacer. Compagne de ce dernier, Valeria Bruni Tedeschi lui affirme publiquement son soutien et dénonce un "lynchage médiatique".
Émilie Schneider