S’il voyait le cinéma comme "le temple du sexe, avec ses déesses, ses gardiens et ses victimes", Jean Cocteau a quand même marqué cette forme d’art de son empreinte pleine de poésie. Réalisateur, acteur, poète, romancier, peintre, parolier et décorateur, ce touche-à-tout voit le jour le 5 juillet 1889, et il a tout juste 6 ans lorsqu’il découvre le cinéma et le théâtre. Se lançant dans l’écriture dès ses 10 ans, il voit son premier recueil de poèmes publié en 1908, peu de temps après avoir été renvoyé de son lycée pour indiscipline.
Sans baccalauréat en poche, il se met à fréquenter divers cercles d’artistes, même si la poésie reste toujours sa forme d’expression favorite, et on la retrouve lorsqu’il s’essaye au 7ème Art. Un baptême du feu qui a d’ailleurs lieu en 1925, avec un court sobrement intitulé Jean Cocteau fait du cinéma. Une expérience qui reste sans suite pendant quelques années, jusqu’à ce qu’il s’attaque à son premier long métrage : Le Sang d'un poète. Là encore, un titre qui colle parfaitement à sa personnalité, pour un film qui dévoile aussi son goût du fantastique.
Délaissant le grand écran pour les planches pendant les années 30, il voit également son élan cinématographique un peu brisé par la Seconde Guerre Mondiale, au cours de laquelle il joue un rôle ambigu. Accusé de collaboration avec les Allemands, il écrit toutefois les scénarios du Baron fantôme (1942), de L'Éternel retour (1943) et des Dames du Bois de Boulogne (1945), et repasse derrière la caméra une fois le conflit terminé, pour mettre en scène son chef-d’œuvre : La Belle et la Bête, adaptation aussi fidèle que poétique du conte du même nom.
En plus de lui valoir la reconnaissance définitive du milieu, "La Belle et la Bête" marque un tournant dans la carrière cinématographique de Jean Cocteau, puisque le film lui donne l’occasion de diriger Jean Marais, qui deviendra son compagnon en même temps que son acteur fétiche. Sa muse même, puisque le comédien sera à l’affiche de tous ses longs métrages suivants, à commencer par L'Aigle à deux têtes et Les Parents terribles (à ne pas confondre avec Les Enfants terribles, dont Cocteau a écrit le scénario d’après son propre roman, mais qui sera mis en scène par Jean-Pierre Melville), qui sortent également à la fin de la décennie.
Jean Marais qui sera également le héros des deux longs métrages suivants de Jean Cocteau : Orphée et sa suite, Le Testament d'Orphée, respectivement sortis en 1950 et 1960. Entre temps, le réalisateur aura dirigé deux courts métrages (Coriolan et 8x8), présidé le Jury du Festival de Cannes en 1953, 1954 et 1957, mais il aura surtout délaissé le cinéma pour la poésie, qu’il n’a jamais abandonné même lorsqu’il a retranscrit son univers en images.
De retour aux affaires du grand écran au début des années 60, il signe les scripts de La Princesse de Clèves et Thomas l'imposteur mais, surtout, son dernier long métrage, Le Testament d’Orphée, qui peut aussi apparaître comme le sien. Décédé d’une crise cardiaque le 11 octobre 1963, 12 heures seulement après Edith Piaf, pour qui il avait jadis rédigé un pièce, Jean Cocteau continue en effet d’inspirer le monde du spectacle, tant par ses écrits que par son imaginaire.
Auteur : Maximilien Pierrette