Jean-Pierre Grumbach naît à Paris le 20 octobre 1917, au sein d'une famille juive alsacienne. C'est au cours de son adolescence qu'il se passionne pour le cinéma, en découvrant notamment sur les écrans Cavalcade de Frank Lloyd en 1932, ou les documentaires de Robert Flaherty. En 1937, après le baccalauréat, il effectue son service militaire. Il gagne Londres en 1942, et prend alors le pseudonyme de "Melville", en hommage à Herman Melville, l'auteur de Moby Dick. Avec les forces Françaises Libres, il participe aux campagnes d'Afrique et d'Italie, débarque en Provence en 1944. Après la guerre, et après le refus de lui attribuer une carte d'assistant metteur en scène, il produit et tourne en 1946 24 heures de la vie d'un clown, son premier court-métrage. L'année suivante, il réalise son premier film et son premier chef-d'oeuvre: Le Silence de la mer, d'après le roman paru dans la clandestinité de Vercors.
En 1950, Jean Cocteau le contacte pour réaliser Les Enfants terribles. Cinq ans plus tard, il achète les Studios Jenner, où il tournera les intérieurs de ses films pendant une dizaine d'années. Avec Bob le flambeur, en 1956, il inaugure une ligne de films criminels froids, mis en scène avec une rigueur croissante, qui renvoient à une impossible société virile régie par des codes d'honneur d'un autre âge ou d'un autre lieu. Avec Bob le Flambeur, et plus encore avec Deux hommes dans Manhattan, Melville montre sa connaissance et sa passion pour le cinéma américain qui l'a façonné, notamment les univers d'Howard Hawks et John Huston. Son style vestimentaire est aussi savamment étudié: chapeau "Stetson" à larges bords, imperméable, cigare et lunettes noires, il créé une silhouette hollywoodienne à mi-chemin entre le producteur et les héros de films noirs. Ses films marquent aussi profondément les jeunes cinéastes de la "Nouvelle Vague", dont François Truffaut et Jean-Luc Godard, qui voient en lui un père spirituel. Ce dernier lui confie d'ailleurs un rôle dans le classique A bout de souffle, en 1960.
Deux hommes dans Manhattan est cependant un échec. Melville décide alors de faire des films plus commerciaux. En 1961, il rencontre Jean-Paul Belmondo: c'est le début d'une fructueuse entente. Ils collaborent sur le film Leon Morin, prêtre, qui reçoit un excellent accueil public et critique. Melville renoue ensuite avec l'univers des films noirs. Le cinéaste retrouve ainsi Jean-Paul Belmondo avec Le Doulos (1961). La même année, il oppose Charles Vanel et Jean-Paul Belmondo dans L' Ainé des ferchaux, d'après l'oeuvre de Georges Simenon. Ce n'est qu'en 1966 que Melville revient derrière la caméra avec Le Deuxième souffle, et confie le rôle-titre à Lino Ventura. En 1967, il signe Le Samouraï, l'histoire de Jeff Costello, un tueur à gages solitaire et condamné. Porté par Alain Delon qui incarne l'un de ses plus grands rôles, le film est l'un des plus grands succès du réalisateur. Le tournage a toutefois été difficile, en raison d'un incendie survenu dans les studios de Melville, qui sont dévastés. En 1969, son Armée des ombres est un bel hommage à la Résistance et au combat clandestin, par lequel il donne l'impression de prendre congé d'une société qu'il ne comprend plus. En 1970, il retrouve Alain Delon, en compagnie d'Yves Montand ainsi que Bourvil, dans son ultime rôle, pour les besoins du Cercle rouge, qui rencontre un immense succès. Peu de temps avant de tirer sa révérence, en 1973, il achève de tourner son dernier film, Un flic.
En vingt-cinq ans de carrière, et treize longs métrages, Jean-Pierre Melville a réussi à s'imposer comme un maître du cinéma, et du film noir en particulier, en lui donnant ses lettres de noblesse. Au fil des années, il a su imposer son style, des films sombres, peu bavards, très épurés, allant à l'essentiel. Son oeuvre a influencé plusieurs générations de cinéastes, dont Martin Scorsese, Michael Mann, John Woo ou Quentin Tarantino, qui avouent s'en inspirer.
Auteur : Olivier Pallaruelo