Fils d’une famille d’émigrants irlandais, Robert Ryan naît le 11 novembre 1909 à Chicago. Doté de mensurations impressionnantes (1,91m pour 89 kg), sportif, il est champion de boxe de son lycée. Après sa scolarité, loin, très loin des plateaux de cinéma qui s’ouvriront à lui des années plus tard, il commence par gagner sa vie en exerçant divers métiers, comme ouvrier agricole, puis marin. Lorsque la Seconde guerre mondiale éclate, il sera même mobilisé dans la Marine, avec le grade de sergent instructeur. Désireux de s’initier à l’Art dramatique, il part à Hollywood, où il a alors pour professeurs Max Reinhardt, puis Stanislavski, chez qui il apprend la sobriété du jeu et la maîtrise gestuelle. Il multiplie les petits rôles, souvent non crédités, pour financer ses études. C’est ainsi qu’il débute à l’écran en 1940, grâce à Edward Dmytryk, dans Golden gloves, qui se déroule dans un univers qu’il connait bien, pour la pratiquer lui-même : la boxe.
Si Jean Renoir, alors expatrié aux Etats-Unis, l’associe volontier au succès de La Femme sur la plage (1947), c’est surtout sous la direction de Dmytryk que l’acteur commence à s’imposer, avec Feux croisés, dans lequel il campe un ex G.I antisémite et névropathe. Un personnage qu’il reprendra presque douze ans plus tard dans l’extraordinaire Le Coup de l'escalier de Robert Wise, où, grimé en cambrioleur raciste, il s’oppose à Harry Belafonte. En 1949, il explore à nouveau le milieu de la boxe en incarnant un boxeur déchu mais intègre refusant de se coucher dans le classique Nous avons gagné ce soir, que certaines critiques considèrent d’ailleurs comme un des meilleurs rôles de sa carrière. Mâchoire serrée et carrée, visage taillé à la serpe, Robert Ryan impose sa présence dans de nombreux films Noir de l’après-guerre, comme The Secret Fury, Born to Be Bad ou Rackett. Bagarreur au cœur tendre dans La Maison dans l'ombre chez Nicholas Ray, il incarne un séducteur désenchanté au cœur d’un imbroglio amoureux entre Barbara Stanwyck et Marilyn Monroe dans Le Démon s'éveille la nuit, chez Fritz Lang.
Loin de se cantonner aux rôles de Bad Guy qu’il joue régulièrement, il est au contraire très à l’aise dans les changements de registre, notamment le western. Il donne ainsi le change et la réplique à James Stewart dans , chez Anthony Mann. Hors-la-loi désoeuvré dans l’après Guerre de Sécession chez Budd Boetticher (Le Traitre du Texas), il fait partie des Implacables de Raoul Walsh. Plus tard, en 1966, il campera un dresseur de chevaux séduit par la fibre révolutionnaire dans l’extraordinaire Les Professionnels de Richard Brooks. Trois ans plus tard, l’acmé de ses rôles dans le western est atteinte avec La Horde sauvage de Sam Peckinpah, où il traque sans relâche son vieux complice, William Holden et sa bande de malfrats. Il endosse également à de nombreuses reprises l’uniforme de l’armée américaine. Général dans Le Jour le plus long, La Bataille des Ardennes ou La bataille pour Anzio, il incarne un colonel farouche opposant des méthodes peu orthodoxes de Lee Marvin dans Les Douze salopards de Robert Aldrich. Avant de décéder prématurément d’un cancer des poumons en 1973, à l’âge de 63 ans, il offrira au grand écran encore deux superbes rôles, au prix d’une santé de plus en plus vacillante. Celui d’un paysan salace et patriarche de clan familial dans Une Fille nommée Lolly Madonna, et un anarchiste irlandais dans The Iceman Cometh de John Frankenheimer, où il retrouve son vieux complice Lee Marvin.
Auteur : Olivier Pallaruelo