Né à Paris, Christian-Albert-François Maudet étudie l’architecture aux Arts décoratifs, puis, accompagné par son ami Jacques Chabraison, conçoit des affiches de films pour la First Nationale, une compagnie américaine. C’est à ce moment qu’il décide de s’appeler Christian-Jaque. Il continue de varier ses activités en devenant journaliste puis décorateur cinéma, profession qu’il exerce de 1927 à 1931 et qui lui permet de collaborer à de nombreuses reprises avec le metteur en scène Andre Hugon (notamment sur "La Grande passion" en 1928, "La Femme et le rossignol" en 1930 ou encore "Le Marchand de sable" en 1931).
En 1932, il saute le pas et réalise son premier film, Le Bidon d'or, se déroulant dans le milieu des courses automobiles. Avec une cadence impressionnante, il enchaine les vaudevilles, un genre cinématographique alors très demandé où il excelle. En 1936, sa comédie policière Monsieur Personne avec Jules Berry dans le rôle-titre, lui permet d’accéder à une notoriété plus large. Cette même année, il fait équipe avec Fernandel par le biais du lucratif Un de la légion. Christian-Jaque contribue grandement à faire du comédien la star qu'il deviendra. Les deux hommes collaboreront par la suite à six reprises, leur film le plus connu restant sans nul doute l’hilarant (et très rentable) François Ier sorti en 1938, dans lequel Fernandel est transporté dans le passé à la cour du célèbre roi de France... En 1939 sort Raphaël le tatoué, film réunissant Fernandel et Armand Bernard, un autre acteur fétiche de Christian-Jaque (La Famille Pont-Biquet, "Sacré Léonce").
Sous le climat de l'Occupation, il change de registre en s’attaquant au drame, avec Les Disparus de Saint-Agil (1939, considéré comme son meilleur film) se déroulant dans un orphelinat et l'émouvant L'Enfer des anges (1941) centré sur la délinquance juvénile. S’en suivent, toujours dans cette même veine dramatique, L'Assassinat du Père Noël (1941), Premier Bal (id.), La Symphonie fantastique (1942, une biographie du musicien Hector Berlioz), et enfin Carmen, adapté du roman de Prosper Mérimée. Après avoir combattu avec les Forces françaises de l'intérieur à la fin de la guerre, il donne forme à l’un de ses meilleurs films, Boule de suif, pamphlet contre l’intolérance qui lui permet aussi d’exprimer son sentiment patriotique. L’année suivante, Un Revenant est présenté au premier Festival de Cannes : en attirant 3,2 millions de spectateurs, cette satire de la bourgeoisie lyonnaise constitue un autre triomphe pour Christian-Jaque.
Si La Chartreuse de Parme (1948) et Singoalla (1950) marquent une légère baisse dans son succès, Christian-Jaque réalise en 1950 son premier film en couleurs, Barbe-Bleue. Il poursuit avec la fresque historique Fanfan la Tulipe (1952) portée par le très charismatique Gérard Philipe, énorme succès commercial (meilleure mise en scène au Festival de Cannes et Ours d'Or au Festival de Berlin). Toujours en 1952, il rencontre, sur le tournage d’Adorables créatures, sa future femme Martine Carol (avant elle, il fut marié à Christiane Delyne, Simone Renant et Renée Faure) : il lui offre plusieurs rôles en tête d'affiche dans des films historiques qui ne sont malheureusement pas à la hauteur de son talent (Lucrèce Borgia en 1953, Madame du Barry en 1954, Nana en 1955 et Nathalie en 1957).
Après Babette s'en va-t-en guerre avec Claudia Cardinale et la toute jeune Brigitte Bardot, le succès abandonne peu à peu Christian-Jaque, et ses films perdent en qualité (l'avènement de la Nouvelle Vague et ses principales figures, dénigrant son travail, y est pour beaucoup). Quelques films historiques (Madame Sans-Gêne en 1961, La Tulipe noire en 1964, Lady Hamilton en 1968), et des policiers moyens (Le Saint prend l'affût en 1966) montrent bien que le réalisateur s'essouffle. Peu importe. Il reste un des grands cinéastes de l'histoire du cinéma français. Au début des années 1980, Christian-Jaque se focalise sur le petit écran et réalise en 1985 un documentaire sur Marcel Carné, avant de se retirer du métier. Il meurt en 1994 d'une crise cardiaque. Ses nombreuses distinctions, cinématographiques (César d'honneur en 1985) ou autres (chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite, Croix de guerre 1939-1945, commandeur des Arts et des Lettres), témoignent de la richesse de son parcours.
Auteur : Laurent Schenck