Née en 1982, d’un père éthiopien et d’une mère irlandaise, Ruth Negga retient de son enfance l’impression d’être différente. C’est ainsi qu’elle explique son attirance pour les personnages de marginaux, qui se succèderont tout au long de sa carrière. Très tôt fascinée par le cinéma, elle s’inscrit à des cours d’art dramatique. Si bien que, dès 2004, elle apparait au premier plan de la série Love is the Drug, dans laquelle elle débute aux côtés de deux autres futures vedettes d’origine irlandaise, Allen Leech (Downton Abbey, Imitation Game) et Colin O’Donoghue (Once Upon A Time).
Par la suite, Ruth Negga se tourne vers la scène, jouant dans les plus prestigieuses pièces du répertoire, et incarne notamment la célèbre Ophélie d’ "Hamlet" au National Theatre. Dans "Phèdre", elle foule les planches aux côtés d’Helen Mirren et d’un certain Dominic Cooper…
C’est ainsi que le réalisateur Neil Jordan, assistant à l’une de ses représentations, la découvre et tombe sous son charme. A tel point qu’il décide de modifier le scénario de son film Breakfast on Pluto (2005), afin de lui offrir un rôle : celui de Charlie, la femme enceinte d’un terroriste de l’IRA, le prometteur Cillian Murphy. Propulsée au sein d’une production britannique portée par Liam Neeson, sa carrière est désormais lancée.
Elle intègre alors la première saison de Criminal Justice (2008), aux côtés de Ben Whishaw, puis enchaine les rôles principaux et récurrents sur le petit écran. Dans une volonté de s’éloigner des clichés et d’offrir à son jeu d’actrice le plus de nuances possible, Ruth Negga se tourne vers des personnages auxquels elle s’identifie, défendant la cause des femmes et des personnes de couleur. Ainsi, elle prête ses traits à Doris Siddiqi, working girl de la mini-série BBC, Personal Affairs (2009) ; Nikki, petite amie du super-héros Curtis, héritant du pouvoir de se téléporter suite à une greffe de cœur, dans Misfits (2010) ; Rosie, plongée dans la misère et la criminalité de Love/Hate (2010-2011) ; enfin l’Inhumaine aux intentions mystérieuses, Raina, dans Marvel’s Agents of SHIELD (2013-2015).
En 2011, elle campe une autre femme au parcours remarquable, la chanteuse Shirley Bassey, dans le biopic éponyme Shirley, et remporte l’IFTA Award de la Meilleure Actrice à la Télévision pour sa prestation.
Lentement mais sûrement, ses yeux de biche séduisent Hollywood. A travers le second rôle d’une chercheuse de l’OMS, Ruth Negga aborde sa première superproduction américaine : celle de Brad Pitt, World War Z (2013).
Après un retour aux sources avec le drame Iona (2015), qu’elle porte littéralement sur ses épaules, c’est la consécration avec Loving (2016), de Jeff Nichols, en compétition lors du 69ème Festival de Cannes. Alors qu’il ne la connaissait pas, le réalisateur, d’abord sceptique, a finalement été conquis lors de son audition : passionnée par l’histoire (vraie) de son personnage, Ruth Negga est devenue l’incarnation même de Mildred Loving. Jeune femme qui, dans l’Amérique puritaine des années 1950, brave l’interdiction du mariage interracial, avec son époux, incarné par Joel Edgerton. Leur procès face à l'État de Virginie a permis à la Cour Suprême d'abolir les lois anti-mariage mixte aux États-Unis, une cause qui rejoint les convictions personnelles de la jeune actrice.
La même année, elle partage l’affiche de l’adaptation cinématographique du jeu vidéo Warcraft : Le Commencement, avec… Dominic Cooper ! Officiellement ensemble depuis 2010, le couple se retrouve ensuite dans la série à succès Preacher (2016), créée par Seth Rogen et Evan Goldberg, adaptation du comic book de Garth Ennis et Steve Dillon, publié chez DC Comics dans les années 90-00. Irrévérencieuse et décalée, cette série à l’humour noir et aux allures "tarantinesques", offre à Ruth Negga l’un de ses rôles les plus badass : celui de Tulip O’Hare, ex-petite amie de Jesse Custer, devenue tueuse à gages. En compagnie de Cassidy (Joseph Gilgun), le trio s’embarque dans un road-trip à la recherche de Dieu.
Lucie Peronne