Née d’un père suédois et d’une mère allemande, orpheline à 12 ans, recueillie par une tante qui passe à son tour de vie à trépas dans les mois suivants puis enfin par un oncle et sa famille, Ingrid Bergman entame sa carrière d’actrice au sortir de l’adolescence. Reçue à la Royal Dramatic Theater School de Stockholm en 1933, elle n’y passera qu’un an, le temps de débuter sur les planches, avant de se tourner vers le cinéma. Apparue comme simple figurante dans Landskamp en 1932, elle obtient son premier véritable rôle dans Munkbrogreven trois ans plus tard, mais c’est grâce à Intermezzo, de Gustaf Molander (1936), que les choses vont s’accélérer : repérée par David O. Selznick, Ingrid Bergman débarque en 1939 à Hollywood pour reprendre son rôle et donner la réplique à Leslie Howard dans le remake que le producteur entend donner au film suédois ̶ après un passage par l’Allemagne pour Les quatre compagnes (1938), que l’actrice évoquera plus tard en regrettant de n’avoir pas alors pris conscience de la gravité de la situation dans le pays.
Intermezzo: A Love Story est un succès, qui lance sa carrière outre-Atlantique et lui vaut un contrat de sept ans avec Selznick, lequel ne manque pas de louer son professionnalisme. Grande (1m75), belle, naturelle (elle est réputée pour se passer autant que possible de maquillage), Ingrid Bergman détonne dans le paysage et va rapidement acquérir un statut d’icône. Après avoir notamment partagé l’affiche du Dr. Jekyll et Mr. Hyde de Victor Fleming avec Spencer Tracy et Lana Turner (elle insiste pour intervertir les rôles initialement prévus avec cette dernière, histoire de s’éloigner de son registre habituel), Ingrid Bergman incarne la lumineuse Ilsa Lund dans le mythique Casablanca de Michael Curtiz en 1942, objet de désir suspendu entre Humphrey Bogart et Paul Henreid. Commence alors une immense carrière (même si l’actrice tourne en définitive moins que d’autres), pour celle qui s’apprête à devenir l’une des plus mémorables blondes hitchcokiennes, le temps de trois films : La Maison du Docteur Edwardes (1945), Les Enchaînés (1946) et Les Amants du Capricorne (1949).
Si elle n’est pas nommée à l’Oscar pour sa performance dans Casablanca, l’adaptation de Pour qui sonne le glas d’Ernest Hemingway lui permet d’obtenir l’année suivante une première nomination. L’Oscar de la meilleure actrice viendra un an plus tard, pour son interprétation d’une femme poussée aux frontières de la folie par son mari dans le thriller Hantise, de George Cukor. Nommée une troisième fois d’affilée avec Les Cloches de Sainte-Marie de Leo McCarey, Ingrid Bergman retrouve Victor Fleming en 1948 pour Jeanne d'Arc, reprenant au passage le rôle tenu à Broadway, qui lui avait valu un Tony Award. Sa popularité est alors à son zénith aux Etats-Unis, mais le point de bascule n’est plus très loin.
En 1949, l’actrice écrit au pape du néoréalisme italien, Roberto Rossellini, pour lui exprimer son admiration et proposer ses services. Ce dernier l’invite à venir tourner Stromboli, durant le tournage duquel tous deux, par ailleurs mariés, entament une liaison qui va susciter un vaste scandale aux USA. Ingrid Bergman abandonnant mari et fille, divorçant et tombant bientôt enceinte, se trouve vilipendée par les tenants américains de la morale, et ce jusque dans l’enceinte du Sénat, où un élu l’interpelle. Désormais installée en Italie, elle épouse Rossellini en 1950. Le couple aura trois enfants, dont Isabella, jusqu’à son divorce en 1957. Dans l’intervalle, Bergman tourne pour son pygmalion dans quatre autres films parmi lesquels Voyage en Italie (avec George Sanders) et une nouvelle Jeanne d’Arc (Jeanne d'Arc au bûcher).
Dès 1956, l’actrice recommence toutefois à jouer pour d’autres réalisateurs, rejoignant Jean Renoir en France pour Elena et les Hommes, avant d’opérer un retour triomphal aux USA avec Anastasia (1956), qui lui vaut un deuxième Oscar de la meilleure actrice – le temps de l’anathème est passé. Ingrid Bergman se re-marie, partage l’affiche d’Indiscret de Stanley Donen avec son ami Cary Grant (lequel était venu recevoir cette deuxième statuette en son nom), côtoie Yves Montand dans Aimez-vous Brahms ?, Walter Matthau et une toute fraîche Goldie Hawn dans Fleur de cactus. Se faisant par la suite plus rare à l’écran, elle remporte néanmoins un nouvel Oscar, celui du meilleur second rôle féminin, pour son interprétation dans Le Crime de l'Orient-Express de Sidney Lumet, en 1975, année où, après un troisième divorce, elle se découvre atteinte d’un cancer du sein.
Malgré la maladie, Ingrid Bergman s’illustre encore dans Sonate d'automne, sous la direction de son homonyme et compatriote Ingmar Bergman : un dernier rôle sur grand écran face à Liv Ullmann, celui d’une mauvaise mère et d'une pianiste (comme en écho à celui d’Intermezzo qui l’avait révélée), qui reste l’une de ses plus puissantes interprétations. Son dernier rôle, tout court, sera celui de la femme politique israëlienne Golda Meir dans une fiction TV à la gloire de cette dernière (A Woman Called Golda (TV)), qui lui vaudra un second Emmy Award (après celui récolté pour The Turn Of The Screw en 1960). Celle qui était entretemps devenue la belle-mère de Martin Scorsese, actrice légendaire (et polyglotte) qui fit le pont entre auteurs européens et studios américains, s’éteint le 29 août 1982, à l’âge de 67 ans.