Enfant fasciné par le monde du spectacle, Charles Albert Browning monte des shows mêlant chanson et tours de magie. Dès l'adolescent, il exerce ses différents talents au sein de troupes de cirque itinérant. Il prétendra plus tard avoir participé à des tournées internationales et travaillé comme jockey, mais certaines de ces affirmations pourraient être le fruit de son imagination fertile.
En 1911, Tod Browning épouse en secondes noces l'actrice Lilian Houghton, avec qui il s'installe l'année suivante à New York. Là, en 1913, il joue dans la pièce à succès The Whirl of mirth et trouve son premier rôle au cinéma dans "Scenting a terrible crime". Repéré par D.W. Griffith, un des cinéastes-phares de Biograph (la maison qui produit le film), il suit ce dernier à Los Angeles, et sera notamment son assistant sur Intolérance. Tout en continuant à faire l'acteur, surtout dans des comédies, il réalise ses premiers courts métrages pour la Mutual Film Corporation en 1915. Responsable d'un accident de voiture qui cause la mort de deux passagers comédiens, il est lui-même blessé. Durant sa convalescence, il signe le scénario d'un court métrage avec Douglas Fairbanks, "L'Enigme du poisson volant".
Tod Browning réalise son premier long métrage, "Jim Bludso", en 1917. Travaillant essentiellement pour Universal et la MGM , il passe d'un genre à l'autre, tels le western "Revenge" ou le drame orientalisant "La Vierge d'Istanbul", interprété par son actrice fétiche de l'époque, Priscilla Dean. En 1919, The Wicked Darling marque le début d'un long compagnonnage avec le comédien Lon Chaney. Fils de sourds-muets, ce roi de la métamorphose incarne un ventriloque déguisé en grand-mère dans Le Club des 3 (1925), drame situé dans l'univers des forains, cher au coeur du cinéaste. Mari handicapé dans A l'Ouest de Zanzibar, il campe un escroc faussement amputé dans L'Inconnu, un des plus fameux films de Browning en 1927.
Si son goût pour le macabre et le burlesque s'expriment à merveille dans le cinéma muet, le passage au parlant n'interrompt pas la carrière de Browning, qui obtient un grand succès avec Les Révoltés(1930), film de gangsters avec Edward G. Robinson. Après avoir dirigé Lon Chaney dans 10 films, Tod Browning souhaite lui confier le rôle de Drácula, mais l'acteur meurt en 1930. Pour son adaptation du classique de Bram Stoker, qui obtiendra un grand succès, il fait appel à Bela Lugosi, acteur au regard effrayant qui a déjà joué ce personnage à Broadway, et avec qui il a déjà collaboré sur The Thirteenth Chair.
Après le film de boxe Iron Man -nouvelle preuve de son éclectisme-, Tod Browning s'attelle à l'adaptation de Spurs, une nouvelle parue en 1923 : dans Freaks, il raconte l'histoire des pensionnaires d'un cirque, employés comme phénomènes de foire, de la femme à barbe aux lilliputiens. Galerie de portraits fascinante et dérangeante, doublée d'une réflexion sur la norme et la marge, le film est violemment rejeté par le public et la critique de l'époque. Sorti dans une version tronquée en 1932, censuré pendant 30 ans en Grande-Bretagne, le film sera réévalué dans les années 60 et son influence se retrouvera chez des auteurs comme David Lynch ou Tim Burton. Mais après ce fiasco, Browning ne tournera que quatre longs métrages, dont un nouveau film de vampires avec Bela Lugosi, un film d'horreur avec Lionel Barrymore (Les Poupées du diable) et "Miracles à vendre" (1939), ultime long métrage et nouvelle plongée dans le monde des magiciens. Parti se retirer à Malibu avec sa troisième compagne Alice, qui meurt en 1944, il reçoit en 1948 un Oscar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière. Ayant cessé toute activité liée au cinéma, ce passionné d'illusionnisme disparait définitivement en 1962, emporté par un cancer de la gorge.