Petite silhouette vêtue de noir s’affairant autour d’immenses top models, Azzedine Alaïa aimait à se dissimuler derrière le corps des femmes, qu’il a habillées toute sa vie avec passion. Né à Tunis en 1935, il s’initie à la couture en regardant ses tantes broder et sous l’influence de Mme Pineau, la sage-femme qui l’a mis au monde, par ailleurs grande lectrice de Vogue. C’est elle qui l’inscrit aux Beaux-Arts de Tunis. Arrivé à Paris en 1956, il habille une comtesse en échange d’une chambre et rencontre le peintre Christoph von Weyhe, l’amour de sa vie. Le jeune homme se fait un nom et la main en taillant des tenues chics pour Louise de Vilmorin, Arletty, adepte d’élégants justaucorps dégageant le cou (détail qu’il reprendra plus tard) ou Greta Garbo, qui réclame un pardessus… "Travailler pour des clientes privées, c’est la meilleure école, car elles sont très exigeantes", commente l’ex-mannequin Farida Khelfa, qui fut l’égérie et l’amie d’Alaïa. Pour faire bonne mesure, celui-ci habille aussi les filles du Crazy Horse. Alors que Charles Jourdan lui refuse une collection (trop d’érotisme !), il s’envole pour New York. L’Amérique porte aux nues ses robes à zip, vestes en cuir ou blouses maillots so sexy, bientôt suivie par la France. À contre-courant de la mode d’alors, plutôt ample, Azzedine compose une silhouette souple et galbée, captant, à sa façon raffinée, l’esprit fitness des eighties. S’emparant du lycra, il célèbre les courbes du corps, qu’il modèle en sculpteur. Les grands mannequins défilent gratuitement pour récupérer ses vêtements aux coupes parfaites.