Après le gazouillis des nuées d’enfants de Loubia Hamra (FID2013), après le polyglottisme (sans omettre une langue inversée) des diverses troupes qui agitent Le Fort des Fous (FIDLab 2014), voilà que Narimane Mari nous installe dans le mutisme du cinéma primitif. Quasi silence en réalité puisque l’unique protagoniste masculin s’émeut au terme de sa propre mélopée, puisqu’un âne ne se prive pas de braire, et qu’une musique originale tricote allégrement avec les séquences. Néanmoins, et le titre pointe sans équivoque vers cette époque d’un âge d’or, la rareté des personnages (deux femmes, un homme), la grande sobriété de leur jeu, la plus grande sobriété encore du récit, nous voilà clairement dans un cinéma qui se revendique de celui des origines, celui d’un temps où les visages et les gestes ramassaient tout l’entendement possible, et toutes les émotions. « Un homme creuse sa tombe et, comme pour le retenir, frémissent les éléments et les êtres. » Tel est le synopsis – sobre toujours – livré par Narimane Mari. On mesure qu’il s’agit d’inscrire à même l’image rien moins que l’arc complet des existences : de l’issue fatale aux bougés des naissances, l’une entremêlée aux autres et, on peut le dire sans rien gâcher, l’ensemble clairement noué par le désir ou l’amour. Magie de la simplicité, foi évidente dans la puissance d’un cinéma sans moyens : comme chez Giotto, nous voilà tous, spectateurs inclus, sauvés.