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Kurosawa
581 abonnés
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4,0
Publiée le 5 mars 2017
Dernier film de Yasujirô Ozu, "Le Goût du saké" s'emploie à raconter peu avec une mise en scène minimaliste, à bercer le spectateur dans un rythme nonchalant tout en menant ses réflexions, intimes et universelles, avec clarté. Le film se concentre sur une poignée de personnages, un trio d'amis et une famille, qui réfléchissent à leur avenir et à celui de leurs enfants, à la nécessité qu'ils ont de se marier et à quitter le berceau familial. Ces questionnements ne sont pas inscrits dans un scénario ample mais dans de brèves situations, qui reprennent les mêmes motifs (la solitude, le mariage, le passé, l'avenir) en leur apportant constamment des nuances, ce qui humanise les personnages - très souvent en état d'ébriété - de plus en plus touchants. Ozu signe un film d'une infinie tendresse, rigoureux et cohérent dans sa mise en scène, qui parvient à plusieurs reprises à mêler en une scène des sentiments contradictoires et à provoquer à la fois le rire et les larmes, preuve que la maîtrise tranquille affichée est à la hauteur de la complexité des personnages.
"Le goût du saké", traduction imparfaite du titre original du dernier film de Yasujiro Ozu qui est en réalité "Le goût du cololabis saira" ("Sanma no aji"), fait référence à un poisson très prisé des japonais et consommé de préférence en automne. En 1962, le réalisateur est lui aussi parvenu à l'automne de sa vie tout comme les personnages principaux de son film sorti quelques mois avant sa mort le 12 décembre 1963, jour de son 60ème anniversaire. Se sachant condamné par un cancer survenu après une vie d'intempérance alcoolique, Ozu convoque à nouveau ses acteurs fétiches dont Chishu Ryu pour lui donner une dernière fois la place centrale comme dans beaucoup de ses films. Seule Setsuko Hara est absente du générique sans que l'on sache exactement pourquoi si ce n'est qu'elle stoppa net sa carrière après la mort d'Ozu. La société japonaise comme toujours examinée avec minutie par Ozu continue d'évoluer à travers une américanisation rampante que le réalisateur n'aura cessé d'exposer dans tous les recoins des décors de chacun de ses films. Désormais les femmes revendiquent une place concrète au sein du foyer et n'acceptent plus de s'en laisser compter sans riposter. C'est conscient de ces changements et influencé par la pression de ses deux meilleurs amis que Shuhei Hirayama (Chishu Ryu) décide qu'il doit laisser sa fille Michiko (Shima Iwashita) voler de ses propres ailes et se chercher un époux plutôt que de continuer à veiller à la tenue du foyer comme elle le fait depuis que Shuhei est devenu veuf. C'est dans les bars autour des nombreux verres de saké pris lors des rencontres rituelles se tenant après le travail que le problème est débattu. Jusqu'à son dernier centimètre de pellicule filmé, Ozu se sera interrogé sur le temps qui passe et sur l'impossibilité de le retenir si ce n'est par le déni. C'est en réalité le chemin de la vérité que doit parcourir Shuhei comme beaucoup des personnages du réalisateur confrontés à la solitude et au renoncement qui souvent l'accompagne. Impossibilité de retenir le temps qui passe, expliquant la difficulté ressentie par les personnages "ozuniens" à franchir les étapes incontournables de la vie qui font avancer un peu plus sur la route qui mène jusqu'à l'issue finale. Illustration parfaite de cet état d'esprit, le mariage de Michiko à la fin du film qui bien que magnifiquement filmé, tient plus du rite sacrificiel que de l'avènement heureux d'un accomplissement. Sur la tombe d'Ozu sera gravé "Mu" qui signifie en japonais impermanence, terme qui symbolise aux yeux d'Ozu la condition de l'homme sur Terre qui devrait sans doute l'inciter à plus de sagesse et de prudence plutôt que d'agir en se rêvant immortel. C'est à travers l'observation du quotidien de la classe moyenne de son pays et au moyen d'une expression marquée du sceau de la rigueur et de la simplicité que la nature humaine est appréhendée par Ozu qui pensait sans doute et à raison que les choses du quotidien en disent aussi long sur un homme que les moments tragiques qui jalonnent son histoire qu'elle soit collective ou personnelle. Ennuyeux, Ozu ? Allons donc !
«Le goût du saké» (1962) est le dernier chef-d'oeuvre d'Ozu et, à ce titre, son chant du cygne. Remake du déjà magnifique «Printemps tardif», le film illustre, comme beaucoup d'autres ouvrages du réalisateur, mais ici avec une acuité renouvelée, l'opposition entre le Japon traditionnel, avec ses valeurs patriarcales, et le nouveau Japon d'après-guerre, celui de l'expansion économique triomphante, avec ses nouvelles conceptions héritées d'Occident. Et le réalisateur montre tout le désarroi de la vieille génération en la personne de Shuhei Hirayama (l'immense Chishu Ryu), un veuf qui vit avec sa fille Michiko, et qui peu à peu va se résoudre à accepter le mariage de celle-ci, découvrant résignation, solitude et tristesse au bout du chemin. Pas de révolte, pas de cris, pas de pleurs! Simplement une douce acceptation de l'évolution des choses et du temps qui passe inexorablement. Peu de films ont réussi comme celui-ci une synthèse aussi aboutie entre la joie la plus pure et la mélancolie la plus profonde, et la scène finale est à cet égard tout à fait bouleversante dans sa réserve et sa simplicité. Il est difficile de ne pas avoir un noeud dans la gorge au spectacle de ce vieil homme digne et serein dans sa douleur face à un monde qui décidément lui échappe. Tout Ozu est là ! Et avec tout l'art magistral de la mise en scène qui le caractérise! Intemporel ...
La famille, l'occidentalisation, la tradition du mariage à tout prix, les difficiles souvenirs de la Défaite, la solitude, tout Ozu est dans cette dernière oeuvre. Choix des cadrages en plan fixe sublime, rythme parfait, direction d'acteurs magistrale, toute une symphonie magnifique qui réunit tout ce que le cinéaste était capable de donner de meilleur c'est à dire quelque chose d'apparence simple et sereine mais qui était en fait immense. Quelques touches très légères notamment avec la belle-fille qui affirme très fortement son identité de femme moderne mais surtout beaucoup de tristesse. Difficile de ne pas penser à ce dernier plan du vieil homme qui se retrouve seul tout en sachant qu'il a gâché le bonheur de sa fille. Le cinéma, et pas seulement japonais, aurait perdu énormément de sa saveur sans Yasujiro Ozu qui avec "Le Goût du saké" donne un cadeau d'adieu à la hauteur d'une des plus grandes carrières de cinéaste de tous les temps.
Seul dans le noir, Paul Auster. Un dialogue d'une jeune femme à son grand-père après qu'ils aient vu trois films, La Grande Illusion, Le Voleur de Bicyclette, Le Monde d'Apu :
" Il y a autre chose à propos de ces trois scènes [...], elles parlent toutes des femmes. De la manière dont les femmes portent le poids du monde. Elles prennent en charge les choses sérieuses pendant que leurs malheureux hommes se démènent sans succès. A moins qu'ils ne restent couchés à ne rien faire ".
On dirait un résumé du film d'Ozu. Le Goût du Saké peut en effet être vu comme une oeuvre féministe, un film formidable où les femmes sont la plupart du temps en retrait, mais toujours elles resplendissent. Ce sont donc les hommes qui occupent le premier plan - qu'ils soient les pères, les maris ou les frères - mais l'impression la plus forte est laissée par les femmes, leur courage et la manière qu'elles ont de gérer les choses sans en avoir l'air. En extrapolant cela au monde du septième art, on pourrait dire que les hommes sont les acteurs et les femmes les metteurs en scène, celles qu'on ne voit pas énormément mais dont la présence est pourtant plus que palpable.
Le film décrit une société égoïste et phallocrate, manquant totalement de considération pour les femmes, qu'elle voudrait définitivement faire correspondre à l'expression " sexe faible ". Ce qui frappe dans le film, c'est le manque d'attention constant des hommes envers les femmes, lesquels privilégient leur confort et leur attrait envers les choses matérielles au détriment d'une attitude respectueuse envers leurs filles ou épouses. Filles que les pères privent totalement de liberté en leur imposant leur futur conjoint, ou épouses que les maris délaissent au profit d'un comportement matérialiste. C'est par exemple la scène du club de golf, exemple de déshumanisation de la femme puisqu'elle subit la supériorité hiérarchique d'un objet. Mais ça n'est que dans les yeux des hommes que cette déshumanisation a lieu. Car pour Ozu et le spectateur - intelligent - les personnages féminins sont beaucoup plus beaux que leurs homologues masculins, dont la complaisance dans la vénalité ne peut en rien rivaliser avec la dignité des premières. Il faut voir par exemple cette scène où une des femmes, humiliée, prend la peine de sortir du cadre pour exprimer sa tristesse et pleurer. La beauté du film réside dans cette retenue qui rejoint d'ailleurs la mise en scène pleine de pudeur du cinéaste japonais.
S'il condamne l'attitude misogyne des hommes, le film ne les punit pas entièrement non plus et va même jusqu'à expliquer ce qui pourrait constituer une raison au comportement détestable des personnages masculins. Le Goût du Saké montre en effet que la volonté des hommes de tout contrôler peut se comprendre à cause de la peur de la solitude. Le film décrit bien le temps qui passe, l'inexorable fuite des enfants du foyer, et avec eux la confrontation des parents - plus particulièrement des hommes ici - à la solitude. C'est dans les moments où l'on croit que les hommes se servent des femmes qu'on comprend en fait qu'ils n'ont besoin que d'un contact avec elles, mais que tout cela est maladroit et injuste. Le film justifie cette attitude sans toutefois la cautionner.
Pour une nouvelle et dernière fois, Yasujirô Ozu colore son film. Dernière uvre du cinéaste japonais, «Samma no aji» (Japon, 1962) est à lextrémité du mouvement dans le cinéma ozuien. Les plans fixes à hauteur de tatami, la sage quiétude des jeux dacteurs et lharmonie des décors sont là la coutume du cinéma dOzu mais nen sont pas moins chargés dune esthétique apaisée vigoureuse. Réitération du conflit familial, «Samma no aji» se veut le négatif de la vie du cinéaste où la mère dOzu prend les traits de Chishû Ryû, le père, et où Ozu lui-même se reflète en Shima Iwashita, la fille. Dans ce nouveau chapitre ozuien, un père (Ryû), pour ne pas devenir un ivrogne au soin de sa fille, cherche un époux pour sa cadette. Une quête ultime où Ozu clos parfaitement son traitement des âges en faisant prédominer la jeunesse sur la vieillesse. Le cycle sachève : gosses-maîtres dans «Umarete wa mita keredo» (Japon, 1932), vieillesse survivante dans «Tokyo monogatari» (Japon, 1953), lâge mur se flétrit à nouveau et laisse poursuivre le cycle de la vie dans «Samma no aji». La vérité de ses histoires forcent labsence de nostalgie ringarde, à plaisir puisquOzu est conscient, par le biais de ce film surtout, que la vie excelle sur lindividu. Lil critique se penche dailleurs sur la famille américanisé sans porter nul jugement ni regrets. Ainsi le personnage de Chishû Ryû nest jamais envieux dun passé révolu, cest lultime regard quOzu porte sur la famille : tout se poursuit, rien ne reste dans linstant. Projetant un désir probable dans cette ultime uvre, lhumilité du cinéma dOzu se fait montre dans son plus bel exercice puisque le drame de la mort de la mère du cinéaste pendant le tournage ne transparaît pas à lécran, hormis éventuellement dans la scène finale où la nuit tombe sur le décor comme si le cinéma dOzu sévaporait dans les tréfonds de lobscurité.
Un chef-d'oeuvre d'Ozu. Des images magnifique, une mise en scène parfaitement maitrisée, la musique, des acteurs parfaits, un scénario très bien écrit, l'émotion dégagée ... rien à redire.
Le réalisateur Ozu, pour son dernier film sorti un mois avant la mort de celui ci, il ne partira pas sans nous avoir fait encore une petite perle. Autre le goût du saké, le goût du soin, le goût d'un film avec un sujet qui mit en scène à plusieurs reprises, il nous enivre toujours.
Très beau film, la fin est magnifique et je pense que lorsque le sujet me touchera plus (lorsque j'aurai des enfants par exemple) je trouverai ce film encore meilleur. Mais comment nier les multiples qualités du film ? Tout en retenue, tout en beauté, très grand film.
Un chef d'œuvre selon Telerama ...cadrages répétitifs, musique insupportable, courbettes, sourires forcés, soirées saké entre hommes...bref tout au plus un témoignage de la vie au bureau et en famille au Japon, et surtout de la condition subalterne de la femme. Bien loin de #metoo.
Dernier film réalisé par Yasujiro Ozu, " Le gout du saké " a le mérite de posséder une histoire extrêmement touchante et bien que le rythme soit assez lent, on suit l'ensemble avec beaucoup d'intêret grâce à une très belle mise en scène, qui contient beaucoup de plan fixe. Au niveau du casting qui est particulièrement poignant, je retiendrais surtout la performance de Chishu Ryu, qui arrive avec une grande sensibilité à nous émouvoir à travers son personnage de père alcoolique qui fera tout pour ne pas garder sa fille prisonnière. Autre point fort, il s'agit de la magnifique photographie en couleur qui apporte une bonne dose de mélancolie et de raffinement à cette oeuvre japonaise qui me donne particulièrement envie de découvir le reste de la filmographie chez ce cinéaste. Un excellent film sur l'univers familial et qui mérite clairement le détour.
Pour son dernier film, Ozu signe une chronique familiale sympathique et pleine de tendresse, à défaut d’être super prenante, sur la nécessaire et naturelle séparation des enfants et des parents.
Bien qu'en regrettable perte de vitesse sur la fin, l'oeuvre de Y.Ozu possède une fraicheur indéniable ; les si sympathiques acteurs, bien valorisés par cette caméra fixe, et la bande-sonore, y sont pour beaucoup.
Je romps avec les critiques postés jusqu'a maintenant mais j'ai trouvé ce film dénué de rythme, troooop long et spoiler: la scène du "mariage" n'a pas le developpement qu'elle mérite .