À l’italienne ou à la sicilienne ? La célèbre île, considérée généralement comme une sous-Italie, a toujours servi à dépeindre une hyper-Italie, & même Germi n’y fait pas exception, quoique le lieu est plutôt un prétexte à mettre Mastroianni dans ce rôle patrimonial mais très peu matrimonial du jaloux-cocu-libertin.
Cependant, le vrai moteur du film, c’est la loi, une vraie loi italienne abrogée en 1981, qui punissait de seulement 3 à 7 ans de prison les homicides commis sur une épouse, fille ou sœur (ou l’amant de n’importe laquelle de ces dernières) dont on venait de découvrir qu’elle ou il (enfin… les deux, du coup) entretenait des relations charnelles illégitimes. Un traitement de faveur pour l’homme qui venge son “honneur” : on croirait que la culture sicilienne stéréotypique s’élevait au niveau national.
Mastroianni donc, tout fraîchement sorti de La Dolce Vita, tombe dans L’Amara Vita & ses travers qu’il n’a pas moins de talent & de plaisir à jouer que le paparazzo. Figure principale d’un monument introspectif, chef au chef bien laqué de bien des laquais, il tient la dragée haute au petit peuple depuis son titre de baron, faisant oublier que le film prend pas mal son temps & se concentre un peu trop sur son noyau judiciaire, comme si la loi tenait plus lieu de script que n’importe quel texte créatif.
En effet, si Daniela Rocca (celle que Mastroianni va faire en sorte de mettre dans le rôle de l’infidèle) minaude de manière délicieusement insupportable, l’arrière-fond se meut avec le peu de grâce d’un vaudeville : usant de running gags & de petits drames, Germi ne le soigne pas plus que la réalité dépolie de sa Sicile. Ce qui compte, c’est ce qu’il y a dans la tête de Mastroianni. On ne va pas s’en plaindre mais ça se révèle assez limité.
Artiste de pop culture avant l’heure, Germi arrive à border son décor de quelques perles : en montrant des Italiens qui se réjouissent du succès de Spoutnik, il donne une place de choix & révélatrice à la course à l’espace, quoiqu’avec le chouilla de maladresse qui allait avec ce précoce compromis entre le film & ses éléments parascénaristiques. Il intègre directement La Dolce Vita aussi, avec ses effets inattendus sur une société sicilienne plus intéressée par la fastueuse actrice que par l’art de Fellini.
Se bringuebalant sans médiocrité mais sans beaucoup d’ouverture non plus, le divorce à l’italienne évite en tout cas de devenir le cliché ambulant que même le titre original faisait craindre, en finissant comme on ne s’attendait pas à ce qu’il finisse comme on ne s’y attendait pas.
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