Si le premier volet de la trilogie dite du "dollar" était de l'aveu même de Sergio Leone un remake à peine voilé du Garde du corps d'Akira Kurosawa, le cinéaste avait aussi en tête L'Homme des vallées perdues de George Stevens où un cavalier solitaire venu de nulle part aidait une famille avant de repartir vers d'autres horizons; ou encore L'Homme aux colts d'or d'Edward Dmytryk. Un an plus tard, en 1965, le mystérieux étranger revient dans Et pour quelques dollars de plus, mais il est cette fois-ci chasseur de primes professionnel; un personnage déjà présent dans plusieurs westerns hollywoodiens des années 1950 comme Du sang dans le désert d'Anthony Mann. Toutefois, la morale de ces histoires était que l'argent n'est pas tout dans la vie et ne fait pas nécessairement le bonheur, mais en outre que les chasseurs de primes étaient finalement des marginaux et des désaxés. Sergio Leone prend le contre-pied de ces films en inversant la moralité, et-ce dès le générique d'ouverture, avec le fameux épitaphe : "Là où la vie n'avait pas de valeur, la mort, parfois, avait son prix. C'est ainsi que les chasseurs de primes firent leur apparition".
Et pour quelques dollars de plus fut tourné avec un budget relativement modeste, 600.000 dollars, sur une période de 12 semaines en Espagne, entre avril et juillet 1965. La petite ville d'El Paso fut construite de toutes pièces selon les plans du chef décorateur Carlo Simi, près de Tabernas, dans la province (torride) d'Almeria. Quant à Agua Caliente, qui abrite le gang d'El Indio, le vrai nom du village était Los Albaricoques. Pour Tucumcari, les décors étaient en fait les mêmes que ceux employés sur le tournage de Pour une poignée de dollars. Enfin pour la ville de Santa Cruz, le décor était un décor permanent, construit au sein des célèbres Studios Cinecitta.
Après leur première et fructueuse collaboration Pour une poignée de dollars, Sergio Leone et Ennio Morricone travaillèrent à nouveau ensemble sur Et pour quelques dollars de plus; la seconde de leur six collaborations. Le cinéaste forma avec son compositeur fétiche l'un des grands partenariats du 7e Art, au même titre que Federico Fellini et Nino Rota, Alfred Hitchcock et Bernard Herrmann, ou encore Sergei Mikhailovich Eisenstein avec Serguei Prokofiev.
Clint Eastwood n'était pas vraiment ravi de reprendre le rôle de l'homme sans nom dans Et pour quelques dollars de plus, en dépit du bon accueil de Pour une poignée de dollars. Quand la production lui proposa de tourner le film, l'acteur déclara : "je vais lire le scénario et je ferai le film, mais par pitié, ne me remettez pas ce cigare dans la bouche !". Ce à quoi Sergio Leone lui répondit : "Impossible Clint ! C'est lui qui tient le rôle principal !"
Initialement, le rôle du colonel Mortimer devait être tenu par Lee Marvin; Sergio Leone l'avait beaucoup apprécié dans L'Homme qui tua Liberty Valance. Mais quelques jours avant le début des prises de vues, l'acteur se désista au profit d'un film qui lui vaudra l'Oscar du Meilleur acteur : Cat Ballou.
Peu après Pour une poignée de dollars, Sergio Leone demanda à Luciano Vincenzoni d'écrire une suite. Le scénariste, ruiné après avoir dilapidé tout son argent dans un casino de Venise (ce que Leone ignorait), accepta. Un premier jet de scénario, baptisé Boots Hill, fut écrit par Sergio Leone et son beau-frère Fulvio Morsella, mais Vincenzoni le trouva faible. Il le réécrivit en neuf jours. Pour la petite histoire, lorsqu'il demanda à Sergio Leone pourquoi il avait choisi Boots Hill comme titre, le cinéaste lui répondit : "parce qu'au cimetière, après avoir enterré les gens, on posait leurs bottes sur la tombe. D'accord ?". Le choix final du titre, Et pour quelques dollars de plus, est un choix purement mercantile, le public ayant aimé Pour une poignée de dollars.
La parole à Ennio Morricone : "Dans Et pour quelques dollars de plus, le son du carillon de la montre du colonel était essentiel, associé au viol et à l'explication finale. Le carillon apparaît tout d'abord comme un son interne, puis devient progressivement un son externe. Techniquement, Sergio ne connaissait pas grand-chose en musique, mais il avait une intuition extraordinaire". [in "Il était une fois en Italie : les westerns de Sergio Leone" de Christopher Frayling, La Martinière, p. 92)
Après le désistement de Lee Marvin, Sergio Leone se retrouva donc sans acteur principal. "J'ai pris l'avion pour LA afin de trouver un nouveau colonel Mortimer" raconte Leone; "J'étais tombé sur une très vieille photo de Lee Van Cleef dans l'annuaire des Academy Players. Il avait un peu l'air d'un coiffeur du sud de l'Italie, mais avec ce nez aquilin et ces yeux en amande si caractéristiques...Je me rappelais l'avoir vu dans Le Train sifflera trois fois où il avait joué comme figurant, ainsi que dans Les Bravados et Règlement de comptes à O.K. Corral. Il devait avoir dans les 40 ans à l'époque, ce qui devait désormais lui faire dans les quarante-huit, cinquante ans. Juste l'âge de mon colonel. Quand je suis arrivé à Hollywood, il avait complètement disparu de la circulation. Après pas mal de recherches, nosu avons fini par mettre la main sur un agent appelé Sid qui nous a informés qu'après un grave accident de voiture suivi d'un long séjour à l'hôpital, Lee Van Cleef avait renoncé au cinéma pour se lancer dans la peinture. [...] Il est venu me trouver à mon hôtel dans les environs de LA. Je l'ai vu arriver de loin. Il avait exactement l'apparence qu'il fallait. Il avait les cheveux courts, et portait un long trench-coat très sale avec de hautes bottes noires. On aurait dit un vieil aigle grisonnant. Je me suis tourné vers mon directeur de production, Ottavio Oppo, et je lui ai dit : "Tu le fais signer sur-le-champ. Je ne veux même pas lui parler, parce que si je le fais, je risque de le prendre en grippe et de ne pas l'engager, et ce serait une grave erreur. Il est tellement parfait pour le film que je ne veux même pas entendre un mot de ce qu'il a à dire". [in "Il était une fois en Italie : les westerns de Sergio Leone" de Christopher Frayling, La Martinière, p.85]
Et pour quelques dollars de plus fut le plus grand succès commercial de l'histoire du cinéma italien, loin devant La Dolce Vita de Federico Fellini. Aux Etats-Unis, il sortit en juillet 1967, presque dans la foulée de Pour une poignée de dollars. Pour la petite anecdote, c'est à ce moment là que le personnage incarné par Clint Eastwood fut alors rebaptisé "l'homme sans nom". Auparavant, il avait au moins un surnom ou un nom connu : Monco.