Voilà mon premier film d'Andrei Tarkovski. Andrei Roublev est un drame épique (trois heures, c'est toujours épique en soi) sur la vie du peintre du même nom, abordant des thèmes aussi vastes que l'art, le doute, la nature, la guerre, la religion et l'amour. Se déroulant donc au début du XVème siècle, c'est l'occasion pour le réalisateur d'offrir une reconstitution impressionnante de réalisme, ainsi qu'une plongée dans certains mythes et traditions russes, avec des scènes mémorables comme celle du bouffon ou de la fête païenne. Ce grand réalisme fait la force du film : on est littéralement plongé 600 ans en arrière, grâce à la lenteur que prend Tarkovski pour rendre palpable atmosphère, sons, odeurs de la nature ou plus généralement de l'environnement qui entoure les personnages. Ce désir de nous faire immerger, de donner une illusion puissante de réelle présence "matérielle" à son histoire, se symbolise au final par la série de gros plans sur des tableaux du véritable Andrei Roublev, filmés en couleurs, et quand ces tableaux disparaissent presque pour ne laisser que matière : pendant quelques secondes, Tarkovski se focalise sur la texture du support du peintre, et laisse apparaître rainures, sillons, craquements de la matière. Cette grande sensation de réalisme, d'immertion, est donc la force du film, mais aussi son défaut : honnêtement, on ne peut affirmer n'avoir eu la poupière lourde quelques instants, même en admirant la grande réussite formelle du film, même en appréciant son contenu, sans être pédant. Faire un long film n'est jamais une mince affaire, mais quelques longues oeuvres sont des chefs d'oeuvres parce qu'elles subjuguent constamment - on apprécie presque plus que tout le tour de force (Il était une fois en Amérique, 2001 : l'odyssée de l'espace, Le Guépard...). Andrei Roublev, quant à lui, s'il reste un beau film, impressionnant souvent, souffre de quelques passages à vides, de quelques "baisses de niveaux" pour parler vulgairement.