" [Le massacre de Sand Creek] est peut-être le crime le plus injuste et le plus ignoble de l'histoire de l'Amérique". Par cette phrase, le chef d'état-major américain, Nelson Miles, condamne l'un des actes les plus infamants de l'histoire des Etats-Unis. Et de fait, cette tuerie odieuse est l'expression de la violence la plus atroce et de la vengeance aveugle et destructrice d'un régiment de cavalerie contre des Cheyennes innocents et prêts à parlementer.
Avec Little Big Horn, son contemporain, Le Soldat bleu est l'un de ces films plaçant les Indiens en position de victimes assassinées par des conquérants américains sans pitié. Ce n'est pas le premier à dénoncer cette réalité historique, rappelons-nous de La Flèche brisée (1949), du Massacre de Fort Apache (1948), ou encore de La Charge héroïque (1949). Mais ici, ce que l'on retient le plus, c'est la violence inouïe et absurde résultant d'une quête de vengeance, qui aboutit au massacre de centaines d'Indiens : hommes, femmes et enfants. Ce massacre justement, qui doit être le sujet central de cette oeuvre, reste également sa plus grande faiblesse. Près de deux heures de film pour une scène de 5 minutes, objectivement, c'est bien trop peu. Certes, la barbarie dont font preuve les soldats du régiments, commandés par le colonel Iverson, est illustrée de la manière la plus réaliste et terrible, et on a presque l'impression que pour Ralph Nelson, le réalisateur, cette violence incroyable et rapide est suffisante pour raconter ce massacre. Dommage pour un pan incontournable de l'histoire américaine qui devrait être davantage au coeur du film qui, avec cette brève scène, ne répond pas vraiment à sa promesse.
De plus, ce western est particulier lorsqu'on observe son contexte de réalisation ainsi que son objectif politique. Réalisé durant la guerre du Viêt Nam, et plus précisément, à un moment où l'opinion américains s'insurge du Massacre de Mỹ Lai (16 mars 1968), Ralph Nelson rejoint cette dénonciation collective et démocratique en illustrant l'absurdité de la guerre et des désastres qui en découlent. C'est l'âge d'or des hippies (Woodstock a eu lieu quelques mois plus tôt), que l'on retrouve un peu dans le personnage de Cresta Maribel Lee (robe à fleurs, mœurs assez libérés et opposition à la guerre), ainsi que dans cette éloge de la nature et de la vie sauvage qui occupe les trois quarts du film.
Pour le reste, je regrette le jeu d'acteur quelque peu médiocre de Peter Strauss dans le rôle d'un soldat inexpérimenté, peu courageux et à la sensibilité exacerbée. Face à lui, je trouve que Candice Bergen s'en sort beaucoup mieux. Son personnage est complexe, marginal, indépendant et un peu sauvage, mais cette femme qui est davantage Cheyenne qu'Américaine, bien qu'elle prétende le contraire, apporte une fantaisie divertissante et attachante. Sa sincérité, bien qu'abrupte, ne manque pas de tendresse.
Enfin, un coup de coeur pour la musique de Buffy Sainte-Marie, Indienne porte-parole de l'injustice subie par son peuple et grande défenseur de sa culture et de ses valeurs.