Un film très fort, bien construit, sur le sujet, peu traité, de la dépression, du mal de vivre, de la mélancolie menant à l’autodestruction. Inspiré du célèbre roman de Pierre Drieu la Rochelle, qui s’inspirait lui-même de la vie d’un jeune poète dadaïste du début du XXe siècle Jacques Rigaut, lui-même suicidé en 1929 . Mais Drieu la Rochelle, qui l’avait connu brièvement dans sa jeunesse en avait gardé un souvenir très fort, se retrouvait un peu en lui, dans sa mélancolie et dans sa difficulté à vivre heureux , à trouver la sérénité. La profondeur et l’âpreté du thème permet à Louis Malle de développer tout son talent de réalisateur. Il a trouvé avec Maurice Ronet , l’interprète hors pair , qui endosse complétement le rôle de ce poète désespéré. Probablement son meilleur rôle, d’une puissance mélodramatique extraordinaire, on assiste à sa déchéance, il sombre et l’on plonge avec lui, au cours de 48.00 heures où il visite tous ses amis de la haute bourgeoisie parisienne. De très beaux plans en extérieur de Paris ,( i.e. Place Vendôme , superbe) dans l’esprit « Nouvelle vague », même si le film ne peut pas vraiment classer sous ce label . Les seconds rôles excellents, superbement filmés :la toute jeune Alexandra Steward, sublime, qui ne fera pas une carrière à la hauteur de cette classe, Jeanne Moreau superbe en artiste opiomane, Bernard Noel artiste oublié, très « grand style », ou le jeune Romain Bouteille dans un de ses premiers rôles .La musique de Erik Satie , devenue depuis lors un grand classique , ces "Gnossiennes" obsédantes, oppressantes et envoutantes. La force du film est aussi de raconter le milieu des artistes à la marge, dans un effet de mise en abyme, intemporelle, puisque l’époque d’inspiration du roman est celles de dadaïstes des années folles , puis la vie même de Drieu dans du surréalisme des années 30 , mais le film est lui transposé dans les années 60 et les milieux arty proche de l’existentialisme , vie de poète et de bohème, marginaux mais créatifs . Et cela fonctionne parfaitement bien. Quelques prouesses de mise en scène, quand Maurice Ronet perd pied , et que les plans courts s’enchainent, par dizaine , virevoltant autour de lui, montrant sa chute, sa perte de sens ,comme une valse ou une farandole diabolique. Etourdissant. Probablement effectivement le meilleur film de Louis Malle, le plus créatif et le plus risqué en tout cas.