https://leschroniquesdecliffhanger.com/2022/11/07/le-voleur-critique/
"Je fais un sale métier, mais j’ai une excuse, je le fais salement » dit Georges Randa, qui sous nos yeux va professionnaliser et théoriser ce qui va devenir pour lui comme un art voluptueux. Car Georges vole aux bourgeois, et ce que semble nous dire Louis Malle, en écho avec le roman initial est donc qu’il vole aux voleurs. La charge contre la bourgeoisie dans leurs réflexes conservateurs et l’archaïsme de leur pensée est toute savoureuse. Un peu comme dans Le souffle au cœur (1971), où l’air de rien et sans en faire trop, il y va au napalm sur cette classe sociale.
Et d’ailleurs, contrairement à la pensée initiale, on rit beaucoup dans Le voleur. Les situations sont forcément cocasses et Malle oriente l’empathie de sa caméra sur les voleurs et les plans de la moquerie sur les volés. Sans parler de quelques répliques cinglantes, pour un film littéraire, que l’on doit certes à l’œuvre originelle mais aussi aux talents d’auteurs pour l’adaptation de Daniel Boulanger aux dialogues et de Jean-Claude Carrière au scénario. « La nuit dans une maison inconnue, quand tout dort, c’est comme si je venais au monde. Et quand je rentre, je ne suis plus rien ».
Jean-Paul Belmondo fait ici comme de l’anti-Bebel. C’est un jeu sans effets, chirurgical, avec justement un magnétisme tout aussi puissant. On le sait maintenant, mais dans la filmographie de notre héros national, de celui à la trace indélébile des cœurs cinéphiles, Jean-Paul savait tout faire, pouvait tout jouer, tant sa générosité et son talent sont sans équivalent.
Le voleur est une pièce centrale dans l’œuvre de Louis Malle, qui va ici désosser la carcasse bourgeoise. Georges Randa n’est pas Arsène Lupin, lui il défoncera les vitres pour dérober, ne ménageant pas le bourgeois, car celui-ci ne ménage pas le pauvre… Ou comme il est écrit dans le roman éponyme « Mais ce sont les institutions, aujourd’hui, qui sont coupables de tout ; on a oublié qu’elles n’existent que par les hommes. Et plus personne n’est responsable, nulle part, ni en politique, ni ailleurs… » C’était il y a 125 ans….