En adaptant le roman éponyme de Georges Darien, Louis Malle offre à Jean-Paul Belmondo un rôle aux antipodes des rôles populaires auxquels les spectateurs avaient pris l’habitude de le voir. Et dès son apparition, Belmondo surprend par sa silhouette d’aristocrate bien sous tous rapports, engoncé qu’il est dans un costume haussé d’une lavallière, chapeau melon et canne. Contre toute attente, cette tenue venue tout droit du XIXème siècle lui va bien : il la porte avec classe, il est chic et inspire de ce fait le respect et une certaine attirance, que ce soit auprès de la gente féminine pour laquelle il va se révéler être un bourreau des cœurs ou que ce soit auprès des plus hautes sphères de la société pour lesquelles il ressent un profond mépris bien qu’il lui doive quelque part son train de vie. Et pourtant, se cache terré en lui un fieffé coquin puisque, comme le titre l’indique, il n’est qu’un cambrioleur, dont l’allure pourrait lui valoir le titre de cambrioleur affublé de gentleman comme superlatif. Par le titre, on comprend aisément que "Le voleur" va se focaliser sur cet homme qui subira son destin suite à bien des désillusions. Cette histoire aurait pu être intitulée aussi comme "Le journal d’un voleur" et pourquoi pas complété par « ... repenti (ou pas) », étant donné que la fin laisse la porte à bien des possibilités d’imaginer la suite, cela pour deux raisons : d’abord parce que l’histoire permet de connaître l’évolution du personnage depuis sa plus tendre enfance (enfin, tendre… si j’ose dire), et ensuite parce que nous avons droit à une narration en voix off, tout cela pendant qu’il commet son (dernier ?) larcin dans une imposante maison caractérisée par son perron constitué par un superbe escalier en fer à cheval. Une maison bourgeoise que nous aurons tout le loisir de contempler sur le long, très long, l’interminable plan servant de générique de début. "Le voleur", c’est donc en ce qui me concerne un coup de cœur. Ou plutôt plusieurs coups de cœur. A commencer par les costumes. Au moins, à cette époque, ça ressemblait à quelque chose ! Qu’est-ce que c’est beau ! Qu’est-ce que c’est distingué ! Bon je ne retournerai pas sur celle de Jean-Paul/Georges Belmondo/Randal car j’en ai déjà parlé mais avouez que ça avait de la gueule quand même, par l’association harmonieuse des couleurs, par cette complexité de la confection (surtout chez les femmes), trahissant du même coup le rang social de la personne qui la porte. Alors quand en plus de jolis petits minois comme celui de Marie Dubois en Geneviève viennent compléter une telle tenue qui lui confère déjà une beauté saisissante, il y a de quoi tomber sous le charme. Elles étaient certes encombrantes pour les femmes, mais elles permettaient aussi d’être très en vue. Et que dire de la praticité ? Sans doute n’étaient-elles pas des plus confortables, mais en tout cas elles ne gâchent en rien l’agilité de Belmondo, lui qui est déjà naturellement si leste et agile. L’autre coup de cœur est dans les décors et accessoires. Maisons superbes certes, mais les décors valent tout autant le coup d’œil. Les décors intérieurs reflètent parfaitement le niveau de vie des propriétaires, que ce soit dans les revêtements muraux, bibelots, bijoux et… les meubles ! Je ne vous cache pas que de les voir se faire saccager de la sorte m’a fait mal au ventre, de la même façon que les belles carrosseries dans d’autres films. C’est donc un coup de cœur pour la reconstitution de l’époque, une époque où les civilités constituaient encore une vertu. Mais c’est aussi un coup de cœur pour les deux/trois petites choses qui ont été balancées. « L’électricité, c’est cher et ça tombe toujours en panne », « Tout est si cher ! ». Misère ! Qu’est-ce qu’ils diraient aujourd’hui ??? Et le dernier coup de cœur est dans la façon dont est racontée l’histoire : tout se passe dans cette maison au prix d'une longue réflexion, comme si le personnage principal, a priori nullement pressé, avait tout le loisir de dresser le bilan de sa vie, jusque dans cet amour filial ironiquement impressionnant. Car finalement, où est la réflexion de ce film, si ce n’est de susciter une nostalgie envers un patrimoine en danger ? Elle est aussi dans les liens parentaux qui influent pour beaucoup sur l’avenir de notre progéniture. Un film intéressant à bien des points de vue, donc ! Et à découvrir si ce n’est déjà fait.