A la croisée de «Citizen Kane» (pour cette biographie d'un magnat racontée en flash-back), du «Procès» (pour cet attrait de Welles pour le grotesque des visages) et du «Troisième Homme» de Reed (pour ces ombres portées, ces cadrages obliques et ce personnage d'ex-traficant au passé trouble, le scénario étant d'ailleurs directement adapté d'une histoire radiophonique d'Harry Lime), «Dossier Secret», s'il ne constitue pas l'un des plus grands films d'Orson Welles, n'en demeure pas moins fort intéressant. Manquant cruellement d'argent, le cinéaste rivalise d'astuces pour filmer dans des décors réels, utilisant ça et là des décors construits pour d'autres films ou filmant ses acteurs avec en arrière plan des sites historiques sensés représenter les lieux-clés de l'intrigue. Le résultat est bluffant, tant Welles se réapproprie avec brio chaque élément du plan à l'aide de ses cadrages si particuliers dont il use et abuse. Les deux jeunes premiers sont fades (faute de meilleurs acteurs disponibles)? Welles déploie une galerie de personnages secondaires tous plus fantasques et inoubliables les uns que les autres, avec lui en tête, grandiose dans le rôle du massif et mystérieux Mr. Arkadin. La narration est moins complexe qu'elle ne devait l'être à l'origine, sans pour autant empêcher le film d'être mené à tambour battant, enchaînant les péripéties à une allure folle (peut-être aussi en raison du re-montage pour la distribution). Si l'on ajoute à cela des séquences presque oniriques (le bal avec ces masques fascinants, le dresseur de puces,...) et dirigées de main de maître, «Dossier Secret» fait figure de film plus qu'honorable dans la carrière d'Orson Welles, bien qu'il demeure encore aujourd'hui dans un certain oubli. Plus qu'une simple curiosité, un long métrage à voir! [3/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/