Après "L'esquive", histoire décalée de la jeunesse des cités au naturalisme saisissant et à la spontanéité brute, Kechiche réalise une chonique sociale -moins insolite et moins intense sans doute- autour de la famille du viellissant Slimane, de laquelle ce dernier vit à l'écart depuis qu'il est séparé de sa femme.
Le cinéaste impose une nouvelle fois son style, sa griffe, issus en partie de l'authenticité de ses comédiens, d'une langue populaire naturelle et d'une direction d'acteurs d'une rare et exigeante précision. Il décrit une communauté majoritairement franco-maghrébine, une France "d'en bas" et des HLM à laquelle s'associe nécessairement la question identitaire. A ce titre, le film d'Abdellatif Kechiche a l'utilité, voire la vocation, de faire mieux connaitre ces sujets de la "diversité".
Un histoire prend forme lorsque Slimane, le type même du travailleur arabe taiseux et fataliste, se voit virer du chantier naval qui l'emploie à Sète, et entreprend, avec le soutien d'une jeune fille (la belle et rayonnante Hafsia Herzi) de créer un restaurant de couscous à bord d'un rafiot qu'il possède et qui rouille sur un quai.
Le récit de l'entreprise, elliptique et condensé, recouvre un certain nombre de thèmes ou d'idées dont Slimane, maghrébin et immigré, est le dénominateur commun. Ses démarche administratives compliquées fustigent un racisme involontaire et de la condescendance; sa relation avec la jeune Rym personnifie l'opposition de style, de moeurs, entre deux générations issues de l'immigration.
Mais ce qui ressort le plus évidemment de cette chronique, c'est encore le courage, la solidarité et la générosité, la vitalité -sans angélisme- qui caractérisent la communauté arabe.