Véritable cauchemar mis en image, « Vampyr » est bien plus une succession de sensations, qu'un récit concret à la narration linéaire.
Dreyer installe donc son œuvre dans une irréalité dérangeante, dont le but est de susciter des ressentis vifs et immédiats. Le long-métrage use d'une imagerie jouant sur nos peurs les plus primaires, ainsi que de figures évocatrices (la faucheuse, le passeur, l'inconnu...) afin d'asseoir une ambition sensorielle puissante.
Et si les nombreux panneaux sont agaçants - car cassant un rythme lancinant au profit d'un contenu explicatif sans intérêt – l'utilisation du son est quant à elle surprenante. Bel et bien parlant, le long-métrage est pourtant très avare en mots, préférant jouer sur les regards hallucinés de ses protagonistes, gardant la parole pour quelques échanges furtifs bien moins impactant.
D'un point de vue formel, « Vampyr » impressionne dans un premier temps, notamment grâce un incroyable travelling horizontal en début de film, avant d'accuser d'un certaine redondance. En effet, l'usage que fait Dreyer des panoramiques et très judicieux, révélant au même rythme que le regard du personnage l'étrangeté des lieux et des situations, mais leur abondance devient trop mécanique et finit par desservir l'imprévisibilité dont faisant jusque là preuve la mise en scène. Malgré ce détail, le cinéaste continue de nous déstabiliser par des choix de cadres dérangeants, le plus terrifiant étant certainement la vue subjective dans le cercueil, offrant un résultat anxiogène comme rarement.
« Vampyr » est donc une œuvre sensorielle et dérangeante, aux symboles forts, mais faisant surtout appelle à nos peurs, conscientes ou non. Le long-métrage accuse toutefois de défauts formels. Mais reste une œuvre fascinante et, surtout, libre.