Un visage qui pleure derrière la vitre d'une automobile, voilà comment débute Free Zone. A voir le carreau, on s'imagine la pluie, son humidité nous berne car lorsque la fenêtre s'ouvre le soleil est présent, le jour entre, les larmes de cette si belle figure continue de grouiller, les sanglots deviennent donc les nôtres. Had Gadia n'a que plus d'écho ...
De cette longue première scène, intervient une autre prière, là encore à cheval entre vitre ouverte et fermé. On prend le temps pour parler, il faut véritablement attendre le " Je suis prête " pour belle et bien entreprendre le périple.
Comme pour tout voyage à quatre roues, on passe un temps considérable dans l'habitacle. Alors, lorsque l'on en descend, on ne perd pas une miette de cet espace. Mais avant de prendre le thé ( un autre passage obligée lorsque la route s'impose ) et tout le reste, d'autres semi échappatoire viennent se superposé au chemin. Les deux scènes de flashbacks ne sont pas totalement semblables, même si les motivations explicatives s'en ressentent. Le premier, consacré à Rebecca chevauche l'histoire dans le temps réel, métaphore du songe et de l'analyse, comme celui d'un regard extérieur qui cherche à comprendre. " Peut-être que je suis à ma place nulle part " dira t-elle un peu plus tard dans le récit. La superposition est fabuleuse aussi ne serait-ce que formellement, on se pense à éluder la rupture tout en gardant contact avec sa tension de base. Le jeu du cadre et du hors cadre se percute et équilibre les balances. Le second est aussi foudroyant. De cette image de traite surgit un son que le devine et que l'on souhaite pourtant autre. Le parcours présent de Hanna s'acte dans se passé récent, définit le motif et la situation du jour après une question annoncée quasi " normalement ". Mortier ou Roquette ? "
Près d'une heure de voyage passe, on prend tout, pas une miette ne doit s'exfiltrer. Les paysages, conversations anodines ou plus poussées, tout se doit d'être assimilé. Le mélange des langues, Anglais, Hébreu, Arabe se rencontrent et se partagent, la encore une citation s'impose pour bien tout comprendre à ce manège. " Il est important de parler la langue de ses ennemis ! ". C'est aux abords de la Free Zone que cela se dit, dans une voiture, dans un échange qui à tout d'un drame avant coureur. Il y'a dans le parcours de ces trois femmes une autre dimension, l'absence de l'homme qu'elles ont quittés, " souffrant " comme elles le disent. De ce point là aussi le film est remarquable, dans son avancée, à hauteur digne et humble ( pour ne pas dire fière ) Free Zone d'Amos Gitai redonne les cartes des enjeux géopolitiques et sociétales à une éclaircie philosophique prenant place à la colère et à la rage des hommes pour qui le feu est un héritage pour piller ... Le regard porté est néanmoins plus visionnaire encore que cela, car comme la fin l'indique, l'héritage est universelle !
Puisque l'on évoque le feu, l'incendie en est sa suite logique. La terre brulée sonne comme une perte, elle aussi provenant de loin et qui resurgit par période, un héritage, encore une fois. Leila, Rebecca et Hanna en font l'expérience et tissent un lien magnifique et destructeur pour la suite. La musique encore une fois invoqué n'a plus rien de triste, elle amène avec elle des sourires, une joie entrecoupé d'un flash qui change tout. Ou alors peut-être pas ? Je n'en sais rien. La fuite ou l'énième tractation autour de
l'argent
, symbole d'une guerre de possession se nichant dans un corps ou les vives brulures se raniment à la manière des braises qui volent encore et toujours sur un sol qui a connu le feu.
Amos Gitai signe ici un film perspicace et engagé sur les rapports humains. La force de ses objectifs sont stupéfiants et relaté avec un discernement réfléchis et édifiant des situations, il ne perd en rien la portée spirituelle de sa démarche et œuvre avec un conflit intérieure pour changer la donne, sans le pouvoir ...
Un mot aussi pour les interprètes de Free Zone, de ces trois femmes notamment, incroyable. J'en reviens à la scène qui les réunit dans la voiture, cette scène sera juste inoubliable pour moi ! Mon passage ultime.
Un long métrage puissant de failles, sans vernis, au firmament de ses moyens.